Ce compte rendu fait suite à un précédent article publié le 15 novembre sur notre site.


CPGE-Grandes Écoles de Management : une synergie pour l’avenir

Débats animés par Dominique SEUX

Lien vers les photos prises lors des Rencontres de l’APHEC

Lien vers la vidéo intégrale des Rencontres de l’APHEC

Pourquoi ces rencontres ?

Le cursus CPGE-Grandes Écoles constitue une véritable filière : notre ambition a été d’en réunir tous les acteurs pour engager une réflexion commune sur les mutations déjà engagées et celles à venir.

Les Grandes Écoles disposent de plusieurs voies de recrutement au premier rang desquelles les classes préparatoires et c’est très bien ainsi. Mais il faut d’abord rappeler que contrairement certaines allégations, les étudiants français des programmes « Grande École » sont majoritairement issus des classes préparatoires. Celles-ci restent fortement attractives comme en témoigne l’évolution des effectifs (voir diaporama) et pourtant, les ouvertures de classes sont peu nombreuses, à l’exception de la filière ECT. Il en résulte que le taux de pression à l’entrée dans les CPGE EC – c’est-à-dire le rapport entre le nombre de candidats et le nombre de places offertes – est anormalement élevé. Ainsi, le vivier « prépas » sur lequel les écoles peuvent compter pourrait être aisément augmenté si de nouvelles classes ouvraient et si les fermetures sauvages ou inopportunes décidées par certains recteurs cessaient.

Les Rencontres de l’APHEC avaient également pour objectif de communiquer sur la réalité vécue par les acteurs de notre filière, en premier lieu les étudiants. Quelques articles de presse récents stigmatisent le système des Classes Préparatoires, en véhiculant clichés et idées reçues qui révèlent une méconnaissance totale du fonctionnement de nos classes. Si ce genre de désinformation ne risque pas de dégrader l’attractivité de notre filière pour les CSP favorisées, elle peut en revanche décourager les jeunes issus de milieux modestes d’oser tenter une CPGE. Alors même que les Classes Préparatoires sont injustement accusées de faire preuve d’une ouverture sociale insuffisante[Voir l’évolution des taux de boursiers sur le [diaporama.]], les caricatures véhiculées sur elles ne peuvent qu’accroître l’autocensure des bacheliers issus de couches sociales défavorisées.

Cent trente personnes ont participé à ces Rencontres : outre les directeurs et/ou adjoints de toutes les Écoles de Management, étaient également présents les responsables de toutes les grandes associations de professeurs de CPGE, de l’APLCPGE (Association des Proviseurs de Lycées à Classes Préparatoires), des concours (BCE, ECRICOME). Le Ministère de l’Éducation nationale et de l’Enseignement Supérieur étaient également représentés, de même que plusieurs médias nationaux ou internationaux (The Economist). Des ambassades de pays intéressés par notre système (dont la Chine, l’Allemagne, l’Espagne et l’Algérie) ont aussi envoyé leurs conseillers à l’éducation assister à nos Rencontres. Des représentants de CPGE à l’étranger (Autriche) ou d’Écoles Préparatoires aux Grandes Écoles (Algérie) avaient également effectué le déplacement.

Tous les participants à nos Rencontres ont exprimé leur vive satisfaction de se retrouver ainsi pour la première fois et de pouvoir échanger de manière constructive.

1. Que retenir de la première table ronde ? (CPGE-GE, comment optimiser notre continuum de formation ?)

Du côté des classes préparatoires :

– Depuis le passage en deux ans en 1994, les classes préparatoires EC ont fortement évolué. Tout en renforçant l’atout essentiel qui est celui de la pluridisciplinarité, elles visent à préparer les étudiants à être des acteurs critiques du monde contemporain. Le reproche de bachotage ne tient pas comme en témoignent les sujets de concours qui évaluent non pas une accumulation de connaissances, mais la capacité à organiser une réflexion critique. Edgar MORIN explique que pour résoudre un problème complexe, il faut en rechercher le sens en croisant les approches de plusieurs disciplines. C’est exactement la finalité de l’enseignement en classes préparatoires. Bernard RAMANANTSOA, directeur général d’HEC de 1995 à 2015, explique d’ailleurs qu’« il faut remonter en amont, dans les disciplines fondamentales qui permettent de comprendre qu’on peut être mieux armé et veiller à ne pas se contenter d’approches rapidement obsolètes ou pire de discours circulants, rebondissant de poncifs éculés en idéologies plus ou moins nébuleuses (…). Quelle que soit l’expérience professionnelle, le risque est grand, quand on n’a pas de fondement théorique, de simplifier à outrance les situations concrètes que l’on vit ». (Bernard RAMANANTSOA, « Apprendre et oser » publié chez Albin Michel en septembre 2015, pages 12-13).

– L’atout des classes préparatoires réside également dans l’apprentissage de l’expression orale. Les fameuses « khôlles » sont de véritables moments d’échanges entre professeurs et étudiants : entraînements, soutien, approfondissements et conseils méthodologiques donnent tout leur sens et toute leur efficacité à ces moments privilégiés.

– Si les CPGE préparent aux concours d’entrée, ceux-ci n’en constituent donc pas le seul horizon. Les compétences acquises en CPGE construisent un support essentiel pour les études en écoles et au-delà, dans la vie professionnelle, comme en attestent les témoignages des étudiants, des écoles et des recruteurs. « CPGE » est l’acronyme de Classes Préparatoires aux Grandes Écoles, et non de préparation à leurs concours. Ceci aussi est à opposer à ceux qui sempiternellement nous accusent de favoriser bachotage, reproduction et imitation au détriment de la créativité, de l’invention et de la recherche.

– L’APHEC récuse enfin l’opposition obsolète entre professeurs de CPGE, qui seraient uniquement voués à la vulgarisation et à la répétition, et les universitaires dévolus à la recherche. Presque tous les professeurs de CPGE recrutés aujourd’hui sont titulaires d’une thèse, beaucoup appartiennent à des équipes de recherche et publient. Or, nous savons très bien qu’en L1 et L2 à l’Université, de très nombreux enseignements sont assurés par des professeurs agrégés détachés de l’enseignement secondaire (PRAG). En terme d’« exposition à la recherche », les élèves de CPGE sont donc dans une situation au minimum comparable à ceux qui ont choisi l’Université. En effet, les PRAG représentent jusqu’à 70 % (en économie – gestion par exemple) des enseignants des premiers cycles universitaires et les universités qui cherchent à améliorer la pédagogie et à favoriser la réussite des étudiants, font d’abord appel à eux.

Du côté des écoles :

– Les directeurs d’école expliquent avoir fortement fait évoluer le contenu de l’année de Bachelor : si les disciplines du management restent le cœur de la 1re année des programmes Grande École, la culture générale y est de plus en plus proposée aux étudiants qui sont en demande : géopolitique, philosophie, littérature, débats, mathématiques, etc. Chaque année, les responsables des programmes Grande École disent s’interroger sur la meilleure façon d’assurer la transition CPGE-GE. Ils expérimentent, recherchent les formules optimales.

– Tous sont d’accord pour dire que les étudiants étant passés par une classe préparatoire sont particulièrement recherchés par les recruteurs : vitesse et méthode de travail, capacités d’analyse, de synthèse et d’argumentation, adaptabilité sont quelques-unes des qualités reconnues à nos anciens élèves. François Bonvallet, directeur général de TBS insiste sur la promesse tenue d’un accès à l’emploi est l’objectif de son école. On ne peut douter qu’il soit sur ce sujet le porte-parole de ses collègues. L’APHEC se réjouit des propos de Stéphan BOURCIEU sur les nouvelles coopérations entre les écoles.

– Les responsables d’Écoles mentionnent deux défis à relever pour les étudiants qui arrivent de CPGE :

  1. l’apprentissage d’une plus grande autonomie, à ne pas confondre avec la créativité qui n’est absolument pas bridée en CPGE ;
  2. la capacité à travailler en équipes, expérience dont ils sont dépourvus en sortant de classe préparatoire. Les étudiants de CPGE sont habitués à travailler en groupes, mais pas en équipes.

Les directeurs ont rappelé que le parcours des étudiants durant en théorie 5 ans et en pratique 6 ou plus, l’ensemble des compétences attendues en fin d’études ne pouvait être maîtrisé en deux ans de CPGE.

Quelles idées et propositions d’évolutions à l’issue de cette première table ronde ?

– L’ensemble des participants est conscient de la nécessité d’une action concertée de l’APHEC, des écoles – par le biais de la CGE – et du monde de l’entreprise sur la carte scolaire : l’enseignement ne peut-être réduit à un coût, c’est d’abord et avant tout un investissement et investir sur les CPGE est extrêmement rentable.

– Sur tous les sujets, les écoles et l’APHEC doivent avoir une stratégie de communication concertée et honnête pour rétablir un certain nombre de vérités. Pour ne prendre que l’exemple du coût d’un étudiant, doit-on prendre en compte la somme allouée par la puissance publique pour chaque étudiant ou diviser la somme totale par le nombre de ceux qui réussissent leur année ? Pour nous, il n’y a aucun doute, c’est la seconde méthode qui s’impose, tout comme pour la comptabilité des entreprises qui inclut dans le prix de revient des biens arrivant sur le marché le coût de ceux qui terminent au rebut. Communiquer honnêtement sur ce sujet conduit à prouver que les étudiants de CPGE coûtent beaucoup moins cher que ceux des premiers cycles universitaires où seulement un quart des étudiants réussissent en un an leur première année d’étude.

– L’APHEC pense qu’il serait possible de mieux tirer parti du passage de la classe préparatoire en deux ans. Une première idée serait de permettre à nos étudiants d’effectuer un stage de trois semaines ou un mois en entreprise à partir de la mi-juin de la fin de la première année. Sa mise en œuvre supposerait que des conventions de stage puissent être signées par les lycées ou – idée de M. Jean BASTIANELLI, Proviseur du Lycée Louis-le-Grand – par les Universités ayant conventionné avec les CPGE. Les Écoles pourraient participer à l’organisation de ces stages. Ceux-ci offriraient au moins un double avantage :

  1. ils permettraient aux préparationnaires de mettre un pied sur le terrain, hors de la salle de classe et d’avoir une meilleure connaissance des métiers du management auxquels ils se destinent ;
  2. un rapport de stage demandé aux étudiants qui le souhaitent servirait de support aux épreuves d’entretiens de personnalité et de motivation, lors de l’admission.

Plusieurs directeurs d’Écoles se sont montrés très intéressés par cette idée.

– Les écoles pourraient aussi proposer des « summer sessions » sur leurs campus français ou étrangers aux étudiants de CPGE, leur permettant de rencontrer des étudiants de toutes nationalités qui s’y trouvent.

– Jean-Michel BLANQUER, directeur général de l’ESSEC, s’est aussi dit prêt à travailler avec les professeurs de CPGE à la constitution d’un « collège des Humanités » (du L1 au L3) tel qu’il l’a décrit durant la matinée. Ce serait évidemment le moyen de solidifier l’articulation des classes préparatoires aux Grandes Écoles.

– Éric LE QUINIO (The Economist) suggère l’organisation de rencontres entre professeurs de CPGE et DRH d’entreprises, car il pense que ceux-ci tout en reconnaissant la valeur ajoutée des anciens élèves de CPGE seraient très intéressés par le fait de connaître mieux ce que nous faisons.

– L’APHEC sollicite enfin auprès de Philippe REGIMBART, Directeur de la DAC (Direction des Admissions et Concours) l’organisation rapide d’une réflexion entre tous les acteurs concernés par les concours : organisation, constitution des jurys, corrections seront quelques-uns des sujets abordés.

2. Que retenir de la seconde table ronde ? (CPGE-GE : un modèle pour l’international)

Notre système CPGE – Grandes Écoles suscite des questionnements à l’étranger, mais il est regardé avec beaucoup d’intérêt pour au moins deux raisons :

– l’excellence d’une formation initiale pluridisciplinaire correspondant en CPGE EC aux « Arts Libéraux » des Anglo-saxons qui considèrent qu’il est prématuré de demander à des jeunes de 18 ans de se spécialiser dans tel ou tel champ scientifique ;
– une formation qui ouvre l’accès à de nombreuses écoles en France et permet des passerelles vers des Universités ou Business Schools à l’étranger. Le système spécifique CPGE-GE à la française est ainsi compatible avec tous les autres systèmes d’enseignement supérieur.

Il faut d’ailleurs rappeler qu’il n’y a pas un modèle unique d’enseignement supérieur dans le monde, celui de l’Université, dont seul le dispositif CPGE-GE serait exclu. Pour exemples, les grandes écoles belges, l’école polytechnique de Lausanne – qui recrute sur concours des étudiants de nos classes scientifiques – et celle de Zurich ou les Eliteuniversitäten en Allemagne existent bel et bien. Et il n’y a pas un modèle universitaire unique, mais une pluralité de modèles nationaux et aussi à l’intérieur de ceux-ci plusieurs modèles possibles : Harvard n’est pas Berkeley, ni le MIT ! De ce point de vue, c’est le système universitaire français qui est un cas d’école puisque la loi SAVARY de 1984 a donné rang d’universités à des facultés « monochromes » dont certaines le sont restées. Quand Emmanuel DAVIDENKOFF affirme, goguenard : « Les bienfaits et inconvénients de nos classes préparatoires aux grandes écoles, cette spécialité française que le monde entier respecte au point de n’avoir jamais tenté de l’imiter, sont connus », il énonce une contre-vérité patente. De nombreux pays ont développé des classes préparatoires pour alimenter leurs écoles : le Maroc, la Tunisie et le Vietnam ont conservé les CPGE reçues en héritage et les ont développées ; la Chine, après l’expérience « Centrale Pékin » est convaincue par l’excellence du modèle et souhaite le développer en partenariat avec la France, l’Algérie développe depuis cinq ans un modèle d’écoles préparatoires, une CPGE ECE a été crée au Grand Duché du Luxembourg et les « prep schools » américaines ne sont pas une invention française.

Notre système est souple, plastique, adaptable : de la même manière qu’il y existe trois voies ECE, ECS et ECT d’accès aux grandes écoles de commerce, il serait tout à fait possible de créer des classes préparatoires internationales ouvertes aux étudiants étrangers et assurant grâce à la création d’une voie internationale (ECI) et de concours adaptés une nouvelle source de recrutement international.

Deux méthodes sont envisagées, la première par l’intermédiaire de l’AEFE et du réseau des lycées français à l’étranger. Jean BASTIANELLI expose à ce sujet son expérience de la mise en place et de la gestion de classes préparatoires à Vienne en Autriche. Il évoque les adaptations nécessaires – introduction d’activités sportives et artistiques – qui ont été mises en œuvre, mais témoigne du succès de cette filière. L’implantation de classes préparatoires à l’étranger est donc tout à fait possible.

Les directeurs d’Écoles présents autour de la table ronde abondent dans le même sens. Il y a une réelle demande à l’étranger, notamment en Chine ou aux États-Unis.

La seconde voie consisterait à passer des accords avec des universités étrangères et il est tout à fait regrettable que le projet d’implantation d’une classe préparatoire en partenariat avec l’Université de Raleigh (Caroline du Nord) ait été enrayé en 2013 par le manque de suivi et de motivation de l’administration du Ministère de l’Éducation Nationale. Pourtant, tout était prêt : accord des partenaires américains, pilotage du projet par SKEMA, programme spécifique rédigé dans toutes les disciplines, intérêt exprimé par écrit de plusieurs directeurs d’Écoles pour ce projet.

Philippe HEUDRON souligne un paradoxe : alors même que l’implantation de CPGE à l’international est soutenue par les écoles, des partenaires étrangers, Laurent FABIUS et, depuis peu, Emmanuel MACRON – le président de l’APHEC ayant évoqué le sujet directement avec ces deux ministres –, l’inertie administrative empêche le démarrage du projet. Pourtant, outre le fait que l’implantation des classes préparatoires hors du territoire national fortifierait l’ensemble du système CPGE-GE y compris en France, il y a un réel enjeu pour notre pays : attirer plus d’étudiants étrangers dans le système éducatif français, ce qui serait un vecteur de reconnaissance, de Soft Power, et de valeur ajoutée dans le cadre de la mondialisation.

Quelles propositions ?

– Accélérer la mise en œuvre et accompagner des projets déjà engagés : Raleigh, Algérie, Sénégal, etc. ;

– Œuvrer inlassablement avec le soutien des écoles pour la création d’une voie ECI (internationale) ;

– Relancer les contacts avec le cabinet de Laurent FABIUS et obtenir un rendez-vous avec un conseiller d’Emmanuel MACRON, avec l’appui et la participation des directeurs d’Écoles de Management.

Le Bureau de l’APHEC