Table ronde du 5 novembre 2021

Cliquer ici pour l’enregistrement de la table ronde dont le thème était : « Comment sélectionner les élites et assurer la diversité sociale ? » Intervention de Véronique Bonnet, Vice-présidente de l’APHEC, professeur de philosophie en classes préparatoires au lycée Janson de Sailly à Paris. Adoptant les outils philosophiques qui sont les siens, Véronique Bonnet évoque l’alternative formulée par Michel Foucault : Le savoir est-il la chasse gardée du pouvoir ? Le savoir peut-il être un contre-pouvoir ? En effet, la question de la compatibilité entre formation des élites et ouverture sociale n’est pas une question conjoncturelle, mais une question structurelle qui se trouve interrogée dès le 6ème siècle avant notre ère en Occident, lorsque la démocratie athénienne modifie le statut de la parole. Si « quiconque peut parler », et « quiconque peut-objecter », à la condition d’une cohérence du propos tenu, faut-il réserver la pratique de la parole à ceux qui ont une longue pratique du calcul de propositions ? À quelques initiés ? Deux tentatives philosophiques pour rendre compatibles égalité d’accès au savoir et excellence sont alors exposées par Véronique Bonnet : Chez Platon, trouver une alternative au « Nul n’entre ici s’il n’est géomètre », en postulant un droit pour quiconque de développer ses potentiels, à partir du la maïeutique; Chez Condorcet, dont la pensée fut décisive pour concevoir les Grandes Écoles et les CPGE, faire la différence entre inégalités d’accès au savoir, asservissantes, et inégalités des talents, émancipatrices. À partir de ce focus conceptuel, Véronique Bonnet montre comment les études les plus récentes sur la question du « délit d’initié » que constitueraient les CPGE et les Grandes Écoles (rapport Bodin de 2007 et études plus récentes, 2016, d’Yves Dutercq de la CNESCO sur le bilan provisoire des politiques menées) revisitent en grande partie les propositions de Platon et Condorcet pour formuler des préconisations et concevoir des dispositifs. (Sensibilisation, information, tutorat,…) Un exemple : les cordées nouvel élan (pour les élèves de classes préparatoires), et les cordées de la réussite ( pour les lycée). En amenant chacun à développer son potentiel et à devenir une « personne de choix »amenée à assumer une mission originale une telle politique de diversification des voies d’excellence évite l’élitisme de la cooptation dans l’entre-soi.

Assemblée générale du 6 novembre 2021

Diaporama Rapport moral. Résumé de l’intervention d’Alain Joyeux 1. Le contexte général La mise en œuvre de la réforme a été effectuée dans un contexte difficile. Certaines classes ont éprouvé d’énormes difficultés de recrutement. Deux tiers des établissements proposant des CPGE ECG ont répondu à notre enquête de septembre ; celle-ci révèle une baisse des effectifs en ECG1 estimée à 9% par rapport à ceux de la rentrée 2020 (ECE et ECS réunies). Notons que les classes préparatoires BL connaissent le même phénomène. L’APHEC a agi à deux niveaux :
  • Demande de moratoire sur la carte scolaire effectuée à deux reprises, en mars dernier lors du Comité de concertation et de suivi des CPGE puis à nouveau début octobre par une lettre à la DGESIP et à la cheffe de l’IGESR ;
  • À l’échelle de la Conférence des Classes Préparatoires, demande d’audience à la directrice de l’Enseignement Supérieur, Anne-Sophie BARTHEZ.
L’attitude de nos tutelles Elles répondent poliment à nos demandes mais ne s’engagent sur aucune d’elles. Olivier SIDOKPOHOU a proposé cette semaine une rencontre annuelle entre l’IGESR et la Conférence des Classes Préparatoires. La première aura lieu le 24 novembre ; nous y poserons toutes les questions importantes du moment et un compte rendu sera adressé aux adhérents. Ce qui nous inquiète le plus, c’est le déclin du cadrage national, les recteurs se comportant en quelque sorte comme des « ministres académiques » se dispensant d’appliquer certaines directives nationales. Cette inquiétude est partagée par l’ensemble des associations et des syndicats. La priorité des priorités politiques du moment pour le gouvernement est l’ouverture sociale Le gouvernement exerce une énorme pression sur les écoles les plus sélectives pour qu’elles prennent des mesures rapides, visibles sur ce sujet, si possible avant les échéances électorales. Cela explique les annonces qui ont été faites sur le concours. Nous vous avions sondés, vous étiez massivement hostiles aux points de bonus pour les cubes boursiers, très partagés sur la double barre d’admissibilité. Nous avons fortement réagi à propos de la mesure de l’ESSEC annoncée après la rentrée pour le concours suivant. C’est un précédent inacceptable. L’EDHEC a bien compris le problème et a repoussé l’application d’une mesure comparable à 2023. Pour autant, il faut bien voir les dimensions à combiner :
  • Il y a une forte dimension politique à ce dossier ;
  • Pour l’APHEC l’ouverture sociale est évidemment un impératif et nous faisons déjà tout ce qui est possible à notre échelle en la matière ; toute réaction qui pourrait donner l’impression du contraire serait dévastatrice pour nous ;
  • On trouvera toujours de bonnes raisons pour repousser des mesures et on ne peut les repousser indéfiniment ;
  • Nous sommes convaincus que les mesures sur le concours (qui n’ont pas été demandées par les boursiers et qui peuvent même rompre l’égalité entre les candidats) ne traitent pas le problème là où il le faut, ce n’est que de l’affichage ; c’est pourquoi le Conseil d’Administration a beaucoup relayé votre avis exprimé lors de la consultation sur le sujet ;
  • C’est en amont qu’il faut agir, lutter contre l’autocensure, dès le collège. Mais cela renvoie à un dossier qui est plus large, celui de l’insuffisance en matière d’orientation en France, d’où la prolifération des sociétés privées de coaching, conseils, etc.
  • L’APHEC est volontaire pour s’intégrer dans tous les projets qui ciblent l’amont.
Les écoles Elles sont divisées et en concurrence exacerbée. Le Chapitre des Grandes Écoles disparaît au profit d’un CDEFM, fruit de la volonté d’un petit nombre d’entre elles qui ont mis les autres et la CGE devant le fait accompli. Ajoutons que certaines écoles connaissent des difficultés financières importantes. Cette situation pose problème car discuter avec l’une n’aboutit pas à un résultat partagé par les autres. Ces divisions se traduisent de multiples manières :
  • Sur l’ouverture sociale (voir la position d’Ecricome, très différente d’HEC ou ESSEC et les différences d’appréciation entre les écoles de la BCE) ;
  • Sur la publication des coefficients 2023, promise depuis juin ! Aucune école n’a voulu prendre le risque de dévoiler ses propositions avant que les autres ne le fassent. Désormais, il nous est assuré que ces coefficients seront publics fin novembre / début décembre ;
  • Sur l’évolution des épreuves, voir la banque Elvi, sujet qui nous oppose vivement à la DAC et à certaines écoles.
Nous sommes aussi frappés par le manque d’anticipation des écoles. Elles raisonnent à quelques mois, semblant découvrir le calendrier des classes préparatoires (voir encore une fois concernant les langues : quelles seront réellement les épreuves en 2023 alors même que les élèves concernés sont en cours depuis deux mois ?). Lorsque nous souhaitons aborder des dossiers prospectifs, nous nous heurtons à des propos évasifs. C’est assez paradoxal pour des écoles qui enseignent la stratégie ! Il y a donc une sorte de « coopétition » (coopération + compétition) ambigüe, l’ambiguïté étant renforcée par le mercato permanent qui voit des responsables passer d’une école à l’autre. Pour autant, il n’y a pas d’autres alternatives au continuum : nous sommes dans la même filière, ce sont les écoles qui diplôment nos élèves. Notre conception du continuum ne signifie pas d’être alignés ou inféodés aux écoles, mais bien de poursuivre le dialogue et la réflexion commune, même lorsque nous nous opposons vivement à certaines d’entre elles, comme cela a été le cas à plusieurs reprises. Voyons aussi le risque de l’absence de continuum structuré dont l’exemple est celui de l’évolution du recrutement par les écoles vétérinaires des préparationnaires BCPST. 2. Les dossiers importants en cours La carte des classes préparatoires Au-delà ce qui a déjà été dit, se pose la question du maillage territorial des classes préparatoires auquel la tutelle se dit très attachée. Il est en effet contradictoire de fragiliser des « classes préparatoires de proximité » alors même que ce sont elles qui jouent un rôle primordial dans le recrutement de publics socialement diversifiés. Les épreuves, dont Elvi, et les coefficients l’APHEC fait le siège des écoles, de la DAC et d’Ecricome sans résultat tangible pour le moment. La sécurité des concours À la suite de l’audit 2020, une charte éthique a été publiée qui met en œuvre un certain nombre de recommandations. Pour autant, la dernière session a montré qu’on était loin du compte comme en témoigne l’affaire de la culture générale EDHEC. Mister Prépa a été un bouc-émissaire commode. L’APHEC ayant eu cette fois des informations fiables et rapides, a aussitôt demandé et obtenu l’annulation et le report de l’épreuve. À ce propos, le Conseil d’Administration s’est réjoui qu’enfin le rapport complet de l’audit ait été rendu public. Celui-ci confirme que certaines interprétations exprimées de manière surprenante sur notre liste concernant l’attitude de l’APHEC et le timing de ses interventions sur cette affaire, n’étaient que des contrevérités. Notre recrutement En l’absence de chiffres officiels qui devraient paraître d’ici quelques jours, les remontées font état d’une nette baisse du recrutement, notamment dans des classes préparatoires de proximité qui proposent mathématiques approfondies, ce n’est cependant pas le cas pour toutes, et cette baisse touche aussi des classes proposant mathématiques appliquées. Il est sans doute nécessaire de prendre un peu de recul : depuis 10 ans, le nombre d’étudiants en France a fortement augmenté, les effectifs en classes préparatoires EC sont stables, il s’agit donc bien d’un déclin relatif sur la durée. Il y a un problème structurel d’attractivité de notre formation, ce constat n’est pas nouveau. Il y a ensuite la situation de cette année, elle peut s’expliquer par :
  • La mise en place d’une réforme qui n’a pas été comprise par tous ;
  • Le vivier de recrutement qui s’est rétréci (le nombre d’élèves ayant conservé les mathématiques en terminale est inférieur au nombre d’élèves des anciennes séries ES et S réunies) d’où le fait que même les classes préparatoires qui ont rempli ont été obligées d’aller plus loin dans les classements ;
  • La pandémie qui a empêché les collègues de rencontrer les lycéens de leur bassin traditionnel de recrutement.
Il y a d’autres facteurs connus :
  • L’idée que l’on puisse contourner les classes préparatoires, exigeantes en matière de travail, pour aboutir au même résultat en terme de cursus. Il apparaît pourtant qu’elle est fausse dès qu’on observe les parcours professionnels des diplômés …
  • Les représentations encore négatives des classes préparatoires, formation non nécessairement défendue par tous les professeurs principaux du secondaire qui, à leur décharge, remplissent ces fonctions sans aucune formation alors même que le paysage de l’enseignement supérieur est de plus en plus complexe et mouvant, mais aussi par des proviseurs,
  • La concurrence des Bachelors, des voies parallèles, de l’international, etc.
Alors que faire ? La liste des actions locales pour informer les lycéens est longue. L’APHEC a organisé la semaine dernière une visioconférence pour réfléchir à ce que nous faisons déjà et pourrions faire de plus. Merci à Christophe VISCOGLIOSI d’en avoir pris l’initiative, d’autres suivront. L’APHEC a produit de nombreux supports : plaquette, vidéo, articles, interviews, etc. Le site Infoprépa a été rénové (encore merci à Christophe). Cependant il faut aller plus loin :
  • Investir massivement tous les salons ;
  • Communiquer sur la valeur ajoutée de la classe préparatoire ;
  • Communiquer aussi sur les parcours proposés, en veillant à ne pas établir de hiérarchie entre eux (mathématiques approfondies /mathématiques appliquées).
Toutes les idées sont les bienvenues ! D’ores et déjà, le projet d’une « journée des ambassadeurs » conçu par l’APHEC, le BNEM et le CDEFM verra sa réalisation le 24 janvier 2022. Il s’agit pour les Grandes Écoles de libérer leurs étudiants pendant une journée, afin qu’ils aillent dans les lycées – notamment ceux n’ayant pas de classes préparatoires – exposer leurs parcours et présenter des informations illustrées par un court diaporama préparé par l’APHEC, le BNEM et le CDEFM. Le CDEFM demandera aux recteurs de faciliter la tenue de ces réunions d’informations. Ce projet est en cours d’élaboration, l’APHEC y prendra toute sa part. 3. La vie de notre association L’APHEC est le lieu d’échanges souvent très riches et denses sur les listes disciplinaires ; par ailleurs le conseil d’administration publie de très nombreuses informations sur le site et en transmet également sur la liste générale. De plus, le conseil d’administration répond aux nombreuses et légitimes demandes de collègues sur des situations personnelles ou locales : services, relations avec la hiérarchie, situation d’un élève, financement, etc. Pour autant, la communication interne n’est pas satisfaisante :
  • Le site est obsolète, les informations difficiles à retrouver ;
  • La liste générale fonctionne mal ; de nombreux collègues se plaignent de l’abondance de messages (cause de désinscription et parfois de non renouvellement d’adhésion), d’autres disent au conseil d’administration ne plus vouloir s’y exprimer de peur de retours violents comme le montrent des messages inutilement agressifs qui y sont postés. Il y a un problème de statut de cette liste générale : lieu de débat ? Lieu de diffusion d’informations ? Tout à la fois ?
D’où les solutions envisagées suivantes :
  • Un nouveau site plus clair et plus ergonomique ;
  • Des forums qui faciliteront les débats et, surtout, laisseront la liberté d’y participer ou non, sans être tenté de se désinscrire de la liste générale ;
  • Des visioconférences thématiques – trois ont eu lieu cette année, deux disciplinaires et une générale – ; c’est sans doute un outil sous-utilisé ;
  • À étudier, la possibilité de mettre en place une « liste officielle » exclusivement réservée aux informations transmises par le CA.
Pour autant, l’APHEC est une association pluraliste, des idées peuvent être confrontées et débattues dans le respect de chacun et sans procès d’intention. Conclusion
  • Les élections nationales approchent. La Conférence des Classes Préparatoires rédigera une plateforme portant sur les questions et demandes communes à toutes les filières de CPGE. Par ailleurs, nous participerons aux actions menées par la CGE.
  • Sans être évidemment des professionnels de la communication, il convient de bien différencier nos débats et réflexions sur le fond et sans tabous de tous les sujets, des éléments de langage vis-à-vis de l’extérieur et notamment de notre vivier : tout discours public alarmiste sur notre filière ne fera qu’aggraver les difficultés de recrutement.
  • Prospective, quid des classes préparatoires dans les 10 prochaines années ? Quid de leur place dans l’enseignement supérieur ? Nous incitons les acteurs de la filière à engager sérieusement cette réflexion.
Nous fêterons les 50 ans de l’APHEC à Grenoble en 2022 (Assemblée Générale prévue le 11 juin 2022) en conviant d’anciens membres de l’association qui ont œuvré activement pour les classes, les étudiants et les professeurs de notre filière. Rapport des délibérations

Béatrice DUBUS

Secrétaire générale de l’APHEC

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