Lettre adressée à Luc Chatel le 9 décembre 2009

Histoire et géographie en Terminale S

APHEC

Association des professeurs des classes préparatoires économiques et commerciales

Paris, le 9 décembre 2009

Philippe HEUDRON, Président de l’APHEC

Jean François MALTERRE, Vice-président de l’APHEC, Voie Scientifique

à

Monsieur Luc CHATEL, Ministre de l’Éducation Nationale

Objet : Demande d’audience

Monsieur le Ministre,

Nous avons pris connaissance du projet de grille horaire de la nouvelle classe de terminale de la série S. Celle-ci ne prévoit plus qu’un enseignement optionnel de deux heures d’histoire et de géographie. Cette mesure nous semble particulièrement inquiétante.

Les bacheliers des séries générales ont vocation à entreprendre des études longues les conduisant à occuper des postes à responsabilité dans un environnement économique mondialisé. Peut-on concevoir que ceux
de la série S, qu’ils deviennent ingénieurs, managers ou autre, puissent aujourd’hui être privés d’une formation qui leur apporte quelques lueurs sur l’environnement géoéconomique et géopolitique du monde complexe et
globalisé dans lequel ils devront agir. La réforme se propose trois objectifs : « mieux orienter », « mieux accompagner chaque lycéen », « mieux s’adapter à son époque ». Chacun peut sans difficulté y souscrire et c’est
au nom même du troisième objectif affiché que nous nous opposons à la mesure projetée.

Au-delà, ce projet nous semble particulièrement dangereux pour l’équilibre de la filière des classes économiques et commerciales que nous représentons. Les grandes écoles de commerce sont ouvertes — fait
remarquable — aux bacheliers des séries ES, L, S et STG et sont très attachées à la diversité de leur recrutement. En introduisant une rupture pédagogique dans l’enseignement d’une discipline fondamentale pour les classes de la voie scientifique (ECS), on rompt le principe de continuité « Enseignement secondaire – Enseignement supérieur » qui fait la force et le succès du système des classes préparatoires. Il n’est pas interdit de penser qu’en levant ce principe, on peut exposer cette voie d’accès à deux types de risques : d’abord des menaces sur le recrutement d’une filière de formation qui attirait et menait à des emplois de très haut niveau un nombre toujours
croissant d’étudiants ; ensuite les tentations prédatrices de tel ou tel « lobby » disciplinaire pensant trouver à cette occasion une forme de légitimité à ses prétentions, avec les risques de déstabilisation et de confusion qui en découlent.

L’« Histoire, Géographie et Géopolitique » enseignée dans les classes préparatoires économiques et commerciales de la voie scientifique est plébiscitée — pour de très bonnes raisons — par les grandes écoles de
commerce. Les programmes, récemment renouvelés, passionnent les étudiants qui y découvrent les grands enjeux du monde d’aujourd’hui, apprennent à décrypter l’actualité avec un esprit critique et s’enrichissent d’une culture parfaitement adaptée à notre temps. Cette discipline participe donc, en amont, à l’attrait de nos classes et en aval, à la qualité reconnue du système français de formation au management. Ce projet risque donc de
casser une dynamique qui place les grandes écoles de commerce françaises au meilleur niveau mondial.

Voici très rapidement exposées nos inquiétudes et les raisons de notre opposition à ce projet. C’est pourquoi nous sollicitons aujourd’hui une audience pour tenter de vous convaincre qu’il est important de revenir
sur une décision qui, nous l’espérons, n’est pas irrévocable.

Nous vous prions de croire, Monsieur le Ministre, en nos sentiments très respectueux et dévoués.

Philippe HEUDRON

Jean-François MALTERRE