PROJET DE CREATION D’UNE FILIERE PREPARATOIRE AUX GRANDES ECOLES

à destination des étudiants de l’Université de RALEIGH (Caroline du Nord).

CONTEXTE

– Internationalisation de l’enseignement supérieur, concurrence, particulièrement sensible dans la filière « management », entre les systèmes éducatifs. – Implantation sous diverses formes d’universités américaines en Europe , voir aussi – Politique volontariste des universités américaines visant à recruter à tous les niveaux des étudiants étrangers avec le soutien de la puissance publique américaine. Voir à cet effet le site de l’Ambassade américaine – Très grande difficulté (voire quasi impossibilité) à attirer en France dans les meilleures filières et en particulier en classe préparatoire (hormis dans les classes scientifiques, quelques dizaines d’étudiants chinois) des étudiants non francophones dans des cursus où les disciplines littéraires et dissertatives sont au cœur du programme et de l’évaluation. Difficulté pour les grandes écoles de management françaises à recruter des étudiants américains (concurrence des MBA) et incertitude quant au niveau académique de ceux qu’elles recrutent. Pour résumer, un solde « migratoire estudiantin » très déficitaire en flux pour notre pays (et catastrophique en pourcentage si on considère que la population des Etats Unis est égale à six fois celle de la France).

UNE OPPORTUNITE A SAISIR

SKEMA est aujourd’hui la grande école (toutes filières confondues) qui recrute le plus grand nombre d’étudiants de classe préparatoire (535). Elle souhaite développer encore cette voie d’accès. L’école possède une antenne sur le campus de l’université de Raleigh (North Carolina State University) au cœur du Research Triangle Park, premier ou second technopôle des Etats Unis. Cette antenne permet aux étudiants de SKEMA d’effectuer une partie de leur parcours académique aux Etats Unis. Une véritable coopération s’est établie entre l’université et l’école, les étudiants français et américains partageant dès à présent des cours dispensés par chacun des deux établissements. SKEMA et NCSU ont déjà développé des doubles diplômes et envisagent d’en créer de nouveaux. Ce mixage a des retombées très positives sur l’image de notre enseignement supérieur. Les universitaires de Raleigh découvrent avec beaucoup d’intérêt l’efficacité et les performances du modèle d’enseignement « à la française ». Ils semblent aussi être très favorablement impressionnés par le niveau de compétence des étudiants français issus des classes préparatoires. Il y a donc là une sérieuse occasion de marquer quelques points et le projet qui suit est de nature à accroitre le rayonnement de notre enseignement supérieur.

PROJET

Créer sur le campus de SKEMA à Raleigh, une filière de classes préparatoires aux écoles de commerce françaises (donc pas uniquement SKEMA) destinée à des étudiants américains. Ce cursus se caractériserait par : – Un enseignement dispensé en langue anglaise par des professeurs de classe préparatoire français. – Un accent mis sur l’apprentissage de la langue française. – La plus grande proximité possible avec celui de la filière EC existante. – Une compatibilité avec les attentes propres de NCSU afin de sécuriser, via un système de crédits et une convention ad hoc, le parcours des étudiants américains qui s’y lanceraient. – La mise en place par un groupe d’écoles françaises d’une procédure de recrutement. Il est fondamental que ces écoles soient en mesure de proposer aux étudiants ainsi recrutés des accords de double diplôme avec des universités américaines. Je crois utile d’indiquer en quoi ce projet est réaliste, novateur et porteur d’avenir. –Réaliste : il se fera avec l’appui d’une université locale (NCSU) et les deux premières années du parcours complet menant au diplôme conjoint d’une grande école française et d’une université américaine se feront non seulement sans déracinement brutal mais au contraire avec une appropriation progressive de la culture française. Réaliste aussi parce que si les notions de sélection et de préparation intensive (prep’s school, college) ne sont pas du tout étrangères au jeunes américains, le projet prévoit de mettre l’accent sur la sécurisation des parcours et ne présente donc pas de risque pour eux. –Novateur : faire venir étudier de jeunes étrangers en France a surtout consisté à essayer d’attirer des étudiants de pays en développement francophones ou des pays émergents (Chine, Vietnam, etc.). Un premier pas important a été franchi avec la création de Centrale – Pékin mais les classes préparatoires installées à cette occasion sont des classes préparatoires intégrées, au seul bénéfice de Centrale. Elles n’ont pas vocation à être une véritable « pompe » attirant des étudiants chinois vers l’ensemble des écoles d’ingénieurs. Il s’agit ici de bien autre chose, comme l’amorce d’un processus efficace et organisé de recrutement d’étudiants étrangers, qui plus est à l’adresse de jeunes du pays qui est aujourd’hui considéré comme la Mecque de l’enseignement supérieur. –Porteur d’avenir : NCSU est une très grande université, surtout orientée vers les technologies de pointe. Elle compte entre autres une école d’ingénieur de tout premier plan. Il va sans dire que la réussite du projet dans la filière management pourrait faire tâche d’huile et ainsi déboucher, via d’autres partenariats, sur la mise en orbite d’une filière de formation d’ « ingénieurs à la française » pour de jeunes américains. La décision de mise en œuvre d’un tel projet revient bien évidemment au MESR. Il va sans dire que s’il recueillait un avis favorable, l’APHEC mettrait toute son énergie et son expertise au service de sa réalisation.

Philippe HEUDRON

DES ELEMENTS NOUVEAUX POUR NOTRE REFLEXION

Quelques remarques liminaires sur la réponse de Patrick HETZEL – Il souhaite que soit approfondi le volet partenarial avec NCSU, en particulier il évoque la quasi nécessité d’aboutir à un système de doubles diplômes. Il porte un intérêt particulier à une extension du projet initial à la filière scientifique (via l’école d’ingénieurs de Raleigh). Monter un projet permettant le recrutement et la formation d’étudiants américains sur les deux filières (commerciale et scientifique) relève d’une vision stratégique forte. -Il invoque la nécessité de travailler avec le service de la stratégie du MESR et l’inspection générale. Avant ces rencontres il est important de tester les possibilités de partenariats à mettre en place avec différentes composantes de NCSU. -Enfin, il invoque la nécessité d’intégrer la DREIC et par voie de conséquence le MAE au projet. Mon premier mémo indiquait clairement en quoi ce projet se démarquait du modèle « Centrale – Pékin » mais ce point doit être encore approfondi. Il s’agit de présenter un projet pilote, destiné à attirer des étudiants américains vers les masters de l’ensemble des grandes écoles françaises. Si ce projet a vocation à être généralisable, son volet financier doit être particulièrement réfléchi et toutes les pistes d’autofinancement (frais de scolarité, levées de fond auprès des entreprises, etc.) envisagées. Quelques infos glanées depuis le colloque de Sophia – SKEMA a récemment passé un accord “stratégique” avec Les Mines de Paris. Je ne connais pas la teneur exacte de cet accord, mais il faudrait sans doute l’enrichir d’un avenant « Raleigh » : à Centrale, les Pékinois, aux écoles françaises d’ingénieurs et de management les étudiants Nord Caroliniens via les SKEMA et les Mines. – Une remarque de Didier BOUVET a retenu toute mon attention : le cycle “undergraduate” qui mène à un Bachelor en 4 ans est académiquement peu productif — les étudiants n’y apprennent pas grand chose, les taux d’échec sont importants — et il est de plus très onéreux. Sa cherté et son faible rendement académique constitueraient ainsi un réel facteur de discrimination sociale. Une discussion récente avec l’un des membres du jury d’HDR de mon fils, professeur à GWU (Université George Washington) semble confirmer cette analyse : pour cet universitaire américain, le système français des classes préparatoires est par nature économique puisqu’il est avant tout un « formidable accélérateur de formation ». (sic) – Didier BOUVET a parfaitement décrit l’importance du processus de sélection mis en place par les universités américaines, mobilisant à l’année des services entiers « d’agents recruteurs ». Les universités américaines sachant recruter il faut concevoir pour le programme « Prépa Raleigh » une politique de recrutement concertée avec NCSU. – Les propos de Marie-Claire RIBEILL sur la forte présence française en Caroline du Nord sont particulièrement intéressants : ils sont la preuve que des cadres de haut niveau, formés « à la française » intéressent les entreprises de haute technologie installées dans le RTP, qu’elles soient françaises ou américaines. L’intérêt de récupérer des américains bien formés est donc pour elles évident. Permettre à de jeunes américains d’obtenir en cinq ans, au lieu de six, un double master (franco-américain) de bonne facture présente un avantage économique certain. Les entreprises américaines ayant l’habitude de contribuer au financement des universités, proposer une meilleure formation à un moindre coût (global) constitue sans doute un excellent argument pour lever des fonds. – J’ai relu l’interview de Bernard Belloc au Nouvel Observateur en 2007. Distinguer ce qui fait l’excellence d’une formation, selon qu’elle est de premier, de second ou de troisième cycle me semble fondamental. Le projet Raleigh s’inscrit dans cette logique puisqu’il ne s’agit de rien d’autre que de proposer aux jeunes américains débutant leurs études ce que les professeurs de classe préparatoire savent et aiment faire : prendre des étudiants au sortir de l’enseignement secondaire et les armer, grâce à une ingénierie pédagogique adéquate, pour réussir le parcours d’enseignement supérieur de leur choix.

QUELQUES PISTES POUR AVANCER

L’avenir des Grandes Écoles de management françaises est pour partie lié à leur capacité à recruter des étudiants étrangers, tout en maintenant la qualité de leurs modalités traditionnelles d’admission . Le projet « Raleigh » vise à apporter une solution originale à cette question. Quatre points fondamentaux sont à traiter : le recrutement, le cursus, le financement et les partenariats. Il faut évidemment avoir constamment à l’esprit que la viabilité du projet suppose qu’il soit profitable à NCSU et à ses étudiants, aux grandes écoles et à l’ensemble du dispositif d’enseignement supérieur. Le volet partenarial est donc primordial. Enfin, profitant de la situation pionnière de SKEMA à Raleigh, nous devons nous attacher à élaborer un prototype ayant vocation à devenir un modèle efficace pour le recrutement d’étudiants étrangers, en particulier anglophones. Partenariat : financement et recrutement Les deux questions sont indissociables. Pour être pertinent, le dispositif doit être capable de recruter un nombre significatif d’étudiants : en admettre une poignée à partager entre cinq ou dix écoles est coûteux et peu efficace ; mais en recruter, seuls, un grand nombre n’est pas aisé car cela suppose une procédure lourde de sélection et une notoriété bien assise. Comme il ne s’agit pas d’entrer en concurrence avec NCSU, comme les universités américaines savent sélectionner leurs étudiants, comme l’on voit mal un étudiant américain s’embarquer dans une pareille aventure sans de sérieuses garanties, la démarche suivante paraît la mieux adaptée : – Les étudiants du programme sont recrutés par NCSU et y sont inscrits. Ils acquittent leurs droits d’inscription dans leur université qui assure leur gestion administrative, prend en charge les questions de vie étudiante, d’allocation de bourses, etc. – Les écoles (management, ingénieurs) locales proposent à leurs meilleurs étudiants de participer à un programme d’excellence sur cinq ans, commençant par un « booster » de formation assuré sur place par une équipe pédagogique française entièrement dédiée à leur réussite et débouchant sur un double master de haut niveau, via un véritable parcours international. Cette manière de procéder présente divers avantages : – Elle résout la question d’un recrutement direct et assure d’emblée une part d’autofinancement conséquente. A ce sujet, l’hypothèse un instant évoquée d’attirer les étudiants américains en leur proposant des coûts annuels moins élevés que ceux pratiqués à NCSU me semble totalement irréaliste. Payer des droits élevés (au regard du coût des études en France) fait partie de la culture américaine ; obtenir une bourse quand on le mérite n’est pas non plus un problème. Il y a donc fort à parier que vouloir sembler « mieux disant » sur les prix aurait pour unique résultat de paraître d’emblée moins performant sur le service rendu. C’est sur l’excellence et l’intérêt de la formation, qu’il convient d’être meilleur. – Dans ce cadre, le montage financier du dossier peut s’avérer relativement simple, NCSU reversant au MESR, via un protocole à définir, l’équivalent du montant qu’elle alloue d’ordinaire pour ses étudiants au seul titre pédagogique . – Elle présente un intérêt pour NCSU et les écoles américaines concernées qui pourraient présenter ce programme comme l’un des fleurons de leur offre de formation et en tirer un certain avantage comparatif. – Elle offre aux meilleurs étudiants du programme l’assurance d’obtenir un double diplôme et à tous ceux qui s’y engageraient la quasi-certitude d’obtenir un Bachelor en accéléré (deux ou trois ans maximum au lieu de quatre en général) et d’aborder avec succès un programme Master de NCSU. Le tout avec une éventuelle retombée positive en termes d’ouverture sociale !! – Elle est avantageuse pour les écoles françaises qui, tout à la fois, pourraient recruter, au delà de quelques unités, des étudiants américains bien formés et du même coup valoriseraient leur image internationale. – Elle est bénéfique pour l’ensemble de l’enseignement supérieur français qui accroît ainsi son rayonnement international — via les PRES et les nombreux accords entre grandes écoles et universités françaises — et aurait surtout l’occasion d’expérimenter une politique audacieuse visant à attirer les meilleurs étudiants étrangers. – Le projet peut attirer des étudiants de nationalité française ou binationaux, ayant suivi en Caroline du Nord une scolarité secondaire dans le système américain : il leur permettrait de « renouer sur place » avec l’enseignement supérieur français d’excellence. Ce point est important à double titre : il est en effet difficile pour ces étudiants de rejoindre le système français des classes préparatoires et ils se tournent donc naturellement vers les grandes universités américaines pour leur poursuite d’études ; leur venue sur ce programme peut avoir un effet d’entrainement non négligeable sur leurs camarades nord américains. – S’appuyer sur la francophilie régnant dans le « RTP » doit aussi permettre des levées de fond. Cursus et partenariats Je restreindrai le propos à la filière économique et commerciale et ne m’aventurerai donc pas sur le champ de la filière scientifique et des écoles d’ingénieurs. Dans mon premier mémo, j’indiquai que le cursus proposé devait avoir la plus grande proximité possible avec celui de la filière EC française. Ceci semble d’autant plus aisé que ce dernier est dans un rapport de cousinage évident avec la tradition des « Colleges of liberal arts » anglo-saxons. La formation dispensée dans nos classes se caractérise en effet par le fort accent mis sur la culture générale (Lettres, philosophie, sciences humaines et/ou sociales, mathématiques, langues et civilisation) donnant les clefs d’une compréhension du monde contemporain et de ses enjeux, qualité indispensable aux dirigeants et cadres des organisations. La brève étude que nous avons réalisée sur le site de NCSU montre qu’au prix d’ajustements mineurs, nos objectifs de formation peuvent parfaitement être reconnus par le NC STATE – « COLLEGE OF MANAGEMENT » avec lequel SKEMA entretient déjà des relations privilégiées mais aussi avec le NC STATE – « COLLEGE OF HUMANITIES AND SOCIAL SCIENCES (CHASS) » qui propose 50 programmes “undergraduate” dont 5 programmes de doubles diplômes (“dual degrees”) avec d’autres “colleges” de NCSU et dont le site internet indique : “ We prepare students for leadership in professions and occupations that require intellectual flexibility, outstanding communication skills, broad knowledge of the world, and a sophisticated understanding of human beings and their challenges. We promote critical thinking, cross-cultural competence, and engagement across the state and around the world.” Ce propos ne s’applique-t-il pas parfaitement à nos propres formations ? Notre modèle semble donc aisément déclinable en un parcours d’excellence lisible à l’étranger. L’APHEC a élaboré à cet effet un document en anglais présentant nos classes et traduit le descriptif de nos formations (« Course catalogue »). Ceci pourra servir de base pour les discussions avec NCSU. L’élaboration du cursus ne pourra évidemment pas se résumer à une transposition mécanique de nos propres programmes. Si les grandes lignes et l’esprit doivent en être conservés, il est nécessaire de les adapter à la réalité des étudiants américains ainsi qu’à celle de l’époque : la dernière grande réforme de nos formations date de 1994, avant l’explosion des NTIC et la révolution Internet. La puissance et modernité des outils dont dispose SKEMA à Raleigh peuvent être l’occasion de créer là-bas un véritable laboratoire pédagogique qui peut s’avérer fort utile au moment où nous sommes conviés à réfléchir au devenir de nos propres formations. Tout ceci représente évidemment un gros chantier et nécessite pour avancer le projet plus avant de prendre rapidement les contacts nécessaires avec les deux établissements partenaires de NCSU. Et maintenant ? La nouvelle donne politique nous oblige à tout recommencer à zéro. Pas tout à fait cependant, car le projet est mûr, correspond à une attente certaine de notre pays et qu’il a le soutien de l’Ambassadeur de France aux États-Unis, ami personnel de Barak Obama (voir fichier joint).

Philippe HEUDRON – Président de l’APHEC

Documents joints