Conférence du 14 décembre 2012 par le Professeur Bernard BELLOC

En faisant une analogie avec le monde du vivant, on peut dire que la faible diversité est mortelle pour toute collectivité, et il en va de même pour les systèmes éducatifs. La Révolution française a supprimé l’Université à cause de sa trop grande proximité et connivence avec l’ancien régime politique, et le 10 mai 1806, Napoléon crée l’Université Impériale selon un système centralisé. Néanmoins, il ne s’agit pas là d’une université de type humboldtienne qui tout à la fois crée et dispense la connaissance.

En 1939, Le CNRS est créé, consacrant ainsi la séparation entre recherche et enseignement en France. Le système français a ainsi suivi une voie bien différente des universités de recherche américaines dont on peut dire qu’elles sont de Grandes Écoles dotées d’un pôle de recherche. Il est à noter par ailleurs que la séparation entre recherche et enseignement est caractéristique des pays communistes où la recherche se pratique dans les Académies, la formation des ingénieurs dans les Instituts, tandis que l’Université est dédiée à l’enseignement, particulièrement celui des fonctionnaires. Dès la fin du communisme, on a cherché à faire converger les différents types d’institutions d’enseignement supérieur.

En France, les lois Faure, Savary, Pécresse, et les dispositifs, l’ANR (2006), l’Agence de financement de la recherche sur projets, la LRU, loi sur l’autonomie prévoyant des mesures d’aide à la recherche pour les universités, se succèdent. L’investissement de l’état augmente également de manière significative pour passer de 8000 € par étudiant en 2007 à 12 000 en 2012. De même, les programmes d’investissements d’avenir sont considérables : deux milliards pour le « Paris Saclay » sont engagés et confirmés récemment par M. Ayrault.

Il y a là quatre enjeux majeurs : la formation, l’emploi et ce qu’on pourrait appeler « l’employabilité » ; la recherche et l’innovation ; le financement ; et… ne pas se tromper de réforme.

S’il l’on procède à une comparaison entre 2000 et 2010, on constate une grande stabilité et peu d’évolution dans le système français. Les seules modifications notables résident dans le fait que les bacheliers sont de plus en plus nombreux à partir étudier à l’étranger et qu’un nombre croissant de Bacs pros s’inscrivent à l’université. Il est de fait urgent d’inventer de nouvelles filières de licence, et le non-enseignement du numérique par exemple dans le secondaire est désastreux pour le pays. En France, lorsque les services de R et D des entreprises embauchent, ils se tournent vers les ingénieurs, partout ailleurs, on embauche des docteurs de l’université. Ceci illustre bien l’état de l’université au regard de la recherche. Cependant, l’OCDE classe la France au 7e rang mondial en ce qui concerne les investissements publics dans la recherche, ce qui est plus qu’honorable. Le déficit provient donc, non des pouvoirs publics, mais de la faiblesse des investissements privés. Les réformes souhaitées ou envisagées ici ou là se focalisent bien souvent sur l’opposition entre classes préparatoires et université ou entre Grandes Écoles et université. Ce sont là de fausses questions. La seule vraie question est « Où se fait la recherche ? » De même, la question de la gratuité et des droits d’inscription est un faux problème, ainsi que la sacro-sainte question de la sélection ou de l’absence de sélection. En réalité, la seule réponse qui vaille est celle d’une sélection non malthusienne dans laquelle la diversification serait conçue comme une autre forme de sélection.

Compte-rendu de Viviane SIMPSON