I – VERSION

Zweifelhafte Moral

Wirtschaft und Moral, das ist ein interessantes Thema für feinsinnige Denker. Wenn sich hingegen die Praktiker der Wirtschaft moralisch entrüsten, dann stecken dahinter meist handfeste Interessen. Da beklagen zum Beispiel Europas Unternehmer, daß in vielen Ländern Kinderarbeit noch selbstverständlich ist oder daß Arbeit mit Löhnen entgolten (1) wird, die kaum fürs Überleben reichen. Aber nicht Mitleid mit Ausgebeuteten löst die Proteste aus, sondern die Angst vor der Billigkonkurrenz. Wer die sozialen Normen, die in der industrialisierten Welt heute selbstverständlich sind, nicht respektiert, wird des Sozialdumpings beschuldigt.

Auch Brüssel ist dabei, moralische Kategorien in die Handelspolitik einzuführen. Die Kommission hat jetzt vorgeschlagen, ärmere Länder in Afrika, Asien und Lateinamerika dadurch zur Respektierung sozialer Vorschriften zu bewegen, daß sie damit einen Anspruch auf besonders vorteilhafte Bedingungen für den Export ihrer Industrieerzeugnisse in die EU erwerben. Also: Wer Kinderarbeit abschafft, muß weniger Zoll zahlen; wer keine freien Gewerkschaften zuläßt, muß um seine Exporte bangen.

Dies ist ein untaugliches Instrument. Es gehört wenig Mut dazu, bettelarme Länder abzustrafen, die auf jeden im Außenhandel erzielten Dollar angewiesen sind, um damit ihre Schulden bei den reichen Europäern abzuzahlen. Viel glaubwürdiger wäre es, wenn diese ihre Vorstellung von Moral dadurch demonstrierten, daß sie sich im Handel mit offensichtlichen Diktaturen wie China oder dem Iran zurückhielten. Aber mit solchen Ländern lassen sich ja lukrative Geschäfte machen.

(1)Entgelten: vergüten, bezahlen

nach Klaus-Peter SCHMID
Die Zeit, 16. September 1994
(219 Wörter)

II – THÈME

“J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie”, écrivait Paul Nizan. C’était en 1932, et ce pourrait être aujourd’hui. Par les temps qui courent, il n’est vraiment pas facile d’être jeune. Et moins que jamais.

Face à la crise de l’emploi, et de façon continue depuis une vingtaine d’années, c’est bien une large partie de la génération «montante» qui a été sacrifiée, quand les plus âgés, mieux traités, ont été priés de cesser leur activité professionnelle par anticipation. Afin de protéger le noyau dur des salariés situés dans la tranche des vingt-cinq – cinquante-cinq ans, il a fallu retarder l’arrivée des plus jeunes sur le marché du travail par tous les artifices possibles. Pour se rassurer, on se dira que, ainsi écartés de l’emploi, les jeunes en auront profité pour mieux se former et qu’ils y auront gagné en qualification. En réalité, rien n’est moins assuré et l’on peut se demander s’ils n’ont pas été dupés.

D’après Alain Debaube Le Monde du 25/10/95

La partie III de l’épreuve: ESSAI ou THÈME CONTRACTION est au choix du candidat. (20 points)

III – ESSAI (250 mots) Les candidats sont priés d’indiquer le nombre de mots employés.

Die Zahl der Alten nimmt zu, die der Jungen sinkt. Kann dadurch ein Generationenkonflikt entstehen?

III – THÈME CONTRACTION (de 180 à 220 mots)

La crise est finie: dix fois, ce cri de victoire a été lancé; dix fois, il a retenti; dix fois, il est retombé. La crise aura d’abord été le naufrage des augures, des experts et des politiques. Combien d’hommes de gouvernement – présidents, Premiers ministres, Excellences de premier, deuxième ou troisième rang – ont fait battre les tambours et sonner les trompettes pour lancer avant les autres la bonne, la divine nouvelle: on aperçoit le bout du tunnel ? Les savants, économistes de réputation mondiale, financiers écoutés, n’ont pas mieux réagi. Eux aussi, malgré toute leur science et toute leur solennité, ont été pris de court par la crise, qu’ils avaient sous-estimée au départ, puis dont ils ont bien trop vite cru avoir pris la mesure.

La crise est apparue en 1973. Vingt ans plus tard, elle est toujours là, aussi brutale, aussi sauvage. Elle a, certes, durant tout ce temps, changé de rythme, de forme et de style. Elle fait néanmoins toujours autant de victimes. Tant qu’elle ruinera les pays fragiles et enlisera les économies les plus dynamiques, tant qu’elle suscitera le chômage, l’anxiété et parfois la violence, alors la peur, la défiance et l’attentisme continueront de régner. Les nations les plus riches se laisseront submerger par le doute et par l’appréhension, les sociétés les plus privilégiées se sentiront soudain instables et vulnérables.

La peur de la crise, la peur du chômage sont en effet les mères de toutes les autres peurs françaises, les matrices de tous les dérèglements, de toutes les déstabilisations. Ainsi la peur de l’immigration a-t-elle été à la fois préparée et décuplée par la peur de la crise. Avant 1973, on organisait l’immigration vers la France, faute de main-d’oeuvre nationale suffisante. Avec la crise, les promoteurs de ces mouvements de population ont soudain ressemblé à des apprentis sorciers. Les travailleurs immigrés sont brusquement devenus des intrus, des symboles, des menaces.

L’Europe, quant à elle, faisait jusqu’alors figure de perspective aimable et souriante, de modernisation nécessaire et d’objectif d’avenir, voire de grand dessein. La crise l’a sur-le-champ repeinte en noir, déformée et diabolisée. Les inégalités françaises, ce mythe indéracinable faisant porter à la communauté nationale le poids des péchés spécifiques parfois imaginaires, ont soudain repris une consistance et une réalité douloureuse.

La crise a encore fait exploser le mal des banlieues, et ainsi lourdement dramatisé la peur des villes et du déracinement. Elle a compliqué, détourné, renforcé la peur des réformes, toujours menaçante. Elle a alimenté et précipité la peur de l’information. Elle a réveillé les démons assoupis de l’extrême-droite, provoqué une terrible crise de confiance, creusé un fossé entre les citoyens et les pouvoirs, bref, suscité une peur paradoxale de la démocratie. Elle a finalement déclenché chez les Français traumatisés une défiance délétère vis-à-vis d’eux-mêmes et de leur propre nation qui a tourné à l’obsession du déclin et la peur de l’Histoire. La peur de la crise et la peur du chômage, ces deux jumelles perverses, ont provoqué une série de déséquilibres et de dérèglements en chaîne qui ont progressivement contaminé l’ensemble de la société.

L’irrationalité actuellement dominante, l’inquiétude qui suinte de toutes les strates de la société – le déséquilibre psychologique du peuple français, en somme – résultent avant tout de son existence. C’est l’univers même des Français qu’elle a remis en cause, leurs certitudes qu’elle a ébranlées, leurs convictions qu’elle a bousculées et leurs espérances qu’elle a bouleversées. Les Français avaient pris l’habitude, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, du plein emploi, de la croissance et de la prospérité. Ils bougonnaient, ils rechignaient, ils pestaient contre le gouvernement, par tradition, par réflexe et par goût. Ils n’en étaient pas moins confiants dans l’avenir. Ils s’attendaient à vivre mieux et à moins travailler.

Ils partaient du principe que leurs enfants feraient de meilleures études qu’eux, auraient des emplois plus intéressants, réussiraient à s’élever dans l’échelle sociale. Ils anticipaient sur une amélioration de leur propre sort et ils pariaient sur l’ascension sociale de leur progéniture. Cet optimisme n’a pas résisté à la crise. Il a même été littéralement mis en pièce par le chômage. En mai 1968, les Français avaient, entre autres choses, manifesté leur volonté de ne pas consommer idiots. En 1993, ils recherchent des emplois. Avant la crise, chacun mûrissait des projets d’avenir mirobolants pour ses enfants. Aujourd’hui, on s’inquiète pour les débouchés qu’ils devront trouver à l’issue de leurs études. C’est la confiance sociale elle-même et l’ambition sociale pour ses enfants – grands facteurs de stabilité au sein d’une société qui sont ainsi remises en cause.

Alain Duhamel Les peurs françaises
Flammarion 1993