L’ESC ROUEN de 1967 à 1985

SOMMAIRE Préambule Introduction 1. Pourquoi une ESC ? 2. Pourquoi à Mont-Saint-Aignan ? I – Les caractéristiques d’une grande école de 1967 à 1973 1. Le recrutement 2. L’évolution du cadre réglementaire a) la situation en 1967 b) 1967-1968, une année de réflexion c) mai 1968 à l’ESC Rouen d) le texte du 27 juin 1968 e) la régularisation 3. Le rôle des enseignants 4. L’arrêté du 30 novembre 1970 5. 1973, l’année d’un bilan ? II – La mutation structurelle de 1974 à 1976 1. Le problème de la note de participation (1969) 2. Une réaction à l’autonomie de l’ESCP (1969-1970) 3. L’épreuve d’entretien au concours d’admission (1971) 4. La position de l’Association des Diplômés (octobre 1971) 5. Le renouvellement de la CCIR de janvier 1974 6. Les attentes des étudiants en 1975-1976 7. La place des enseignants permanents (1976-1977) III – Vers le Groupe ESC Rouen de 1977 à 1985 1. Le maintien d’un recrutement de bon niveau 2. L’évolution de la structure académique a) « Sup de Co Rouen » devient un Centre Intégré de Gestion b) une réforme des études en 1982-1983 c) conséquences 3. De l’international à la mondialisation Conclusion
Préambule Ce qui fait la force d’une institution repose à la fois sur son efficacité et sur son ancrage dans le temps. Ainsi, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Rouen gère-t-elle le Groupe ESC Rouen, bien connu pour comprendre l’une des Ecoles Supérieures de Commerce les mieux cotées en France. Ayant dirigé cet établissement de 1967 à 1985, il m’a paru intéressant de mettre en lumière les transformations de l’ESC au cours de cette période, transformations qui ont préparé l’existence du groupe actuel. Période de l’épanouissement du tertiaire supérieur et du développement de la production de masse qui suivirent les années de reconstruction de l’après-guerre ainsi que la perte de marchés coloniaux privilégiés, elle fut marquée par une concurrence grandissante à l’échelle internationale. Ce fut l’heure du développement du marketing, que l’on peut schématiser comme la nécessité de vendre avant de fabriquer. Ce fut également celle de l’apparition progressive des méthodes de management, accompagnée des transformations des techniques de gestion liées à l’utilisation de plus en plus généralisée de l’ordinateur. Après avoir rappelé brièvement les raisons de l’existence des Ecoles Supérieures de Commerce qui ont été à l’origine des Grandes Ecoles de Management actuelles, puis la situation de celle de Rouen en 1967, je consacrerai la première partie à montrer quelles furent les conditions du développement des caractéristiques d’une Grande Ecole de 1967 à 1973. Une deuxième partie sera consacrée aux ensembles que je baptiserai « actions- réactions » qui ont accompagné la mutation structurelle de l’établissement, essentiellement de 1974 à 1976, rappelant l’éclosion du papillon de sa chrysalide. J’intitulerai la troisième partie « Vers le Groupe ESC Rouen », de 1977 à 1985, en présentant l’essor de la structure académique et les débuts du passage de l’international à la mondialisation, pour conclure sur le rôle fondamental du support institutionnel et sur l’importance de l’environnement.

Introduction

Pourquoi une ESC à Mont-Saint-Aignan ?

1. Pourquoi une ESC ? Les Grandes Ecoles constituent une exception française dans le Monde. Lorsqu’il s’est agi d’animer la Révolution industrielle et de former des ingénieurs au XVIIIe siècle, les universités ne s’y intéressèrent pas et on dut créer des établissements autonomes : Ecole des Ponts et Chaussées et Ecole des Mines sous l’Ancien Régime, Ecoles Centrale, Polytechnique et d’Arts et Métiers sous la Révolution et l’Empire. Afin d’aider les ingénieurs à commercer, Napoléon demanda une étude au Sénat en 1807, Vital Roux qui en fut chargé n’entraîna pas de décision impériale mais il créa une école à Paris en 1820[[Ecole Spéciale de Commerce, établie dans l’Hôtel de Sully, rue Saint-Antoine]] qui devait devenir l’ESCP[[Ecole Supérieure de Commerce de Paris]], rachetée par la Chambre de Commerce de Paris en 1868, sous le Second Empire. D’autres suivirent pour accompagner l’essor industriel de la seconde moitié du XIXe siècle. Les premières en province furent le Havre et Rouen en 1871, inspirées par les industriels alsaciens repliés en Basse-Seine, sur le modèle d’une « Académie préparatoire au Commerce » qui existait à Mulhouse, bientôt suivies dès 1872 par Lyon et Marseille, puis par Bordeaux en 1874 et HEC[[Ecole des Hautes Etudes Commerciales]] (créée en 1881). Il s’agissait d’initiatives locales pour aider les entreprises régionales, en priorité dans des villes portuaires. Un décret du 31 mai 1890 accorda la reconnaissance par l’Etat aux sept écoles existantes et institua un concours d’entrée obligatoire. En 1914 il existait déjà quatorze écoles – s’étaient en effet ajoutées : Lille en 1892, Montpellier en 1897, Dijon, Nantes et Alger en 1900, l’EDHEC[[Ecole des Hautes Etudes Commerciales du Nord (Université Catholique de Lille)]] en 1906 et Toulouse en 1912. Toutes ces écoles relevèrent ensuite de la loi Astier de 1919 sur l’Enseignement Technique. S’en ajoutèrent quatre autres : Clermont en 1919, l’ESSEC [[Ecole Supérieure des Sciences Economiques et Commerciales, rue d’Assas (Faculté Catholique de Paris)]] en 1913, Strasbourg en 1920 et Reims en 1926, portant le nombre total à dix-huit. Le décret du 3 décembre 1947 créa un cadre institutionnel pour les ESC « établissements d’enseignement technique commercial supérieur », délivrant un diplôme visé par le Ministre de l’Education Nationale en échange d’un jury national d’entrée et de sortie, d’un concours d’admission du niveau du baccalauréat (avec majoration de points pour les bacheliers), d’un programme et d’horaires communs, ainsi que d’un examen national de sortie. Des mises à jour furent publiées par les arrêtés de 1949, 1957 et 1961, créant en particulier des options en deuxième et troisième années, ainsi que des sections préparatoires au concours d’entrée, dans les écoles. En 1967, neuf classes préparatoires existaient également dans des lycées publics et dans cinq établissements privés. Le suivi des ESC[[Aux quinze précédentes s’étaient ajoutées Poitiers en 1961, Brest et Amiens en 1962, Nice en 1963 et Pau en 1969.]], ainsi que d’HEC, de l’ESSEC et de l’EDHEC, était assuré par la Direction de l’Enseignement Technique. Un décret du 7 décembre 1964 prévoya que ces écoles relèveraient de la Direction de l’Enseignement Supérieur à partir de 1966. C’est à cette occasion qu’aux trois lettres E.S.C. on ajouta A.E.[[Ecoles Supérieures de Commerce et d’Administration des Entreprises]] pour évoquer les I.A.E. – Instituts d’Administration des Entreprises – qui avaient été créés en 1956 dans quelques Universités. Ce rattachement à l’enseignement supérieur, entraînant une modification de la nature de la tutelle pédagogique, fut déterminant pour l’évolution ultérieure des Ecoles. Notons que, parallèlement, la Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris avait créé en 1958 une commission de révision des études à l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales qui aboutit à une première réforme en 1960, introduisant en particulier des discussions de cas d’universités américaines en troisième année. En 1964, le transfert d’HEC à Jouy-en-Josas fut l’objet d’une seconde réforme, préparée préalablement par des commissions auxquelles monsieur Guy Lhérault, Directeur de l’Ecole, me donna l’opportunité de participer. La plus grande souplesse de la tutelle de l’Enseignement Supérieur et les travaux menés à HEC allaient ouvrir la voie à une formation au management complétant l’apprentissage des connaissances et des techniques nécessaires pour la gestion d’une entreprise. D’une manière générale, on assista à une éclosion des études dans ce domaine, parallèlement à l’épanouissement du tertiaire supérieur[[La suppression des ESC d’Alger et de Strasbourg (devenue l’IECS dans l’Université Robert Schuman) vers 1960 fut compensée ultérieurement par la création des ESC de Tours en 1981 et Grenoble en 1984]] – 2. Pourquoi à Mont-Saint-Aignan ? En 1967, l’ESC Rouen est proche du Centenaire ! Elle avait été créée dès 1871, immédiatement après l’ESCP par la « Société civile pour le développement en Normandie de l’enseignement commercial et industriel », composée de représentants de la Chambre de Commerce et d’Industrie, du Conseil municipal, de la Société d’émulation et du Lloyd. De 1919 à 1942, elle fut administrée par la municipalité de la ville de Rouen. A noter que la décision d’admettre des jeunes filles fut prise dès 1921. La CCIR [[Chambre de Commerce et d’Industrie de Rouen]] en prit la gestion après le douloureux épisode de l’exécution de son directeur Césaire Levillain en 1942, responsable d’un réseau de résistance. Installée alors rue de l’Avalasse, l’ESC bénéficia bientôt de nouveaux locaux plus vastes, rue du Nord, inaugurés par André Siegfried le 15 novembre 1958. De par sa proximité de Paris et sa renommée, le concours national lui affectait, en plus de ses propres candidats reçus, des candidats présentant l’ESCP et figurant sur une liste complémentaire. Avant 1967, la CCIR avait réalisé un investissement important en construisant un bâtiment nouveau sur un terrain jouxtant celui de la toute nouvelle Université, inauguré en 1966 par monsieur Henri Courbot, Président de la CCIP[[Chambre de Commerce et d’Industrie de Paris]] et de l’APCCI[[Assemblée Permanente des Chambres de Commerce et d’Industrie, créée en décembre 1964]] . Elle avait par ailleurs, sous l’impulsion de son Président monsieur Jean Vaudour, décidé de promouvoir l’ESC pour accompagner le développement très important que devait connaître la Région dans le cadre du Schéma d’aménagement de la Basse-Seine, prolongement du plan d’aménagement de l’Ile-de-France. Citons quelques expressions, usuelles à l’époque, pour envisager l’avenir :
  • « 4 millions d’habitants en l’an 2000 »
  • « la Ruhr française »
  • « le boulevard industriel de Paris à la mer ».
C’est monsieur Rolland Lemoine, Directeur de l’Ecole depuis sa reprise par la CCIR en 1943, qui eut la lourde charge de participer à la conception des locaux, puis de déménager et de faire fonctionner l’Ecole à Mont-Saint-Aignan, avant son départ à la retraite. Ainsi, les conditions d’un nouveau développement de l’ESC étaient-elles réunies :
  • Un plan de développement de la Région dans le cadre de la mise en oeuvre de la décentralisation.
  • Un désir politique d’anticiper les changements à venir au niveau de la direction de la CCIR.
  • De nouveaux locaux fonctionnels s’inspirant de l’exemple d’HEC puisque l’ESC Rouen fut la première école reconstruite après la Grande Ecole parisienne et la première sur un campus universitaire.
  • Une Chambre de Commerce et d’Industrie disposant des ressources d’une région industrielle importante, le premier Vice-Président, Président de la Commission administrative de l’ESC, monsieur Charles Heudier, étant également Président de la Fédération patronale régionale.
  • Un accroissement de la demande de formation des entreprises.

I- LES CARACTERISTIQUES D’UNE GRANDE ECOLE DE 1967 A 1973

Au cours de la première moitié du XXe siècle, les ESC étaient devenues une pépinière de chefs et de cadres de petites et moyennes entreprises, en particulier pour faciliter la reprise d’entreprises locales. Les réformes successives des programmes nationaux, de 1947 à 1961, avaient permis des adaptations, en particulier par la création d’options. L’évolution des critères pédagogiques propres à une Grande Ecole s’accéléra de 1967 à 1973. Ces critères peuvent être regroupés en trois parties :
  • la première correspond au recrutement d’étudiants motivés et de bon niveau,
  • la deuxième est la mise en oeuvre d’un cadre réglementaire souple, permettant les adaptations pédagogiques nécessaires,
  • la troisième est l’intervention et la coordination d’enseignants motivés et compétents.
1. Le recrutement Par définition une école est faite pour les élèves, elle l’est aussi par les élèves. L’idéal étant de mettre ensemble de bons étudiants et de bons enseignants, sous réserve bien entendu de définir le mot « bon » en fonction des objectifs de l’établissement. Dans le cadre du concours de culture générale commun à toutes les ESC, y compris Paris, le recrutement fut à la fois régional et national au cours des années soixante. Sur le plan régional, l’ESC Rouen attirait des jeunes gens motivés par une carrière dans l’industrie et le commerce ou par des études plus concrètes qu’en Faculté. Au niveau national, elle se voyait affecter des candidats reçus sur la liste complémentaire de l’ESCP, constituant environ un tiers de la promotion. Ainsi au concours 1969, pour 125 places, 76 des 236 candidats à l’ESC Rouen intégrèrent-ils l’Ecole, auxquels s’ajoutèrent 49 admis sur la liste complémentaire de l’ESCP. C’est cette même année que le suivi d’une classe préparatoire devint obligatoire pour espérer réussir les épreuves du concours, ce qui situait l’ESC à « Bac + 4 » de manière empirique. C’est encore en 1969 qu’entra en application l’arrêté du 18 juillet 1967, une initiative née à Rouen grâce au Recteur Pastour, alors directeur de l’INSCIR[[Institut National de Chimie Industriel de Rouen]], créant la possibilité d’admissions parallèles en première année pour les titulaires d’un DUT scientifique, d’un DEUG littéraire ou les étudiants admis en deuxième année de Droit ou de Sciences économiques. Cette innovation nationale présentait l’avantage de situer réglementairement les ESC par rapport aux Instituts Universitaires de Technologie, dont on prévoyait alors le développement dans le cadre d’un projet de création d’Universités Technologiques envisagées pendant l’hiver 67-68 par monsieur Alain Peyrefitte, alors Ministre de l’Education. L’ESC Rouen intégra 16 étudiants dès septembre 1969 (13 titulaires d’un DUT scientifique et 3 étudiants de Sciences Economiques), répondant ainsi aux voeux de certaines PME intéressées par la double compétence de ces futurs diplômés. C’est également à l’initiative de Rouen qu’une liste supplémentaire fut créée en 1969 au concours d’admission en deuxième année à HEC, permettant à des candidats admis sur cette liste d’intégrer une ESC. Disposition réglementaire qui créait un lien institutionnel entre la Grande Ecole parisienne et les ESC. En revanche, c’est en 1969 que les étudiants de l’ESCP manifestèrent leur soutien à la CCIP pour obtenir de monsieur Edgar Faure, Ministre de l’Education Nationale, la sortie de l’ESCP du « réseau des ESCae ». Un centre parisien fut créé pour le concours 1970 et le nombre de candidats à l’ESC Rouen fut de 561 contre 236 l’année précédente. A la moyenne nationale du concours, 234 candidats furent reçus à Rouen : l’Ecole en admit 140 et une liste complémentaire fut établie pour affectation dans une autre ESC. L’Ecole de Rouen fut la principale bénéficiaire de cette nouvelle organisation, ce qui renforça son image dans les classes préparatoires, particulièrement dans la région parisienne. Après la sortie de l’ESCP, l’arrêté du 30 novembre 1970 du Ministre de l’Education Nationale remplaça définitivement la réglementation précédente, héritée de l’Enseignement Technique. Nous aurons l’occasion d’y revenir mais arrêtons-nous un instant sur une modification importante du concours d’admission qui prévoyait, dès 1971, l’introduction d’une épreuve d’entretien à l’oral destinée à évaluer la personnalité et la motivation du candidat. L’ESC Rouen avait été l’une des écoles à réclamer cette initiative et son Conseil de Perfectionnement se consacra à sa préparation avec soin, aussi bien pour la composition des jurys (un permanent spécialiste de recrutement, un assistant changeant de jury chaque jour et un représentant d’entreprise différent par demi- journée) que pour la constitution de la grille de notation. Le concours 1971 consacra la situation constatée en 1970 : 599 candidats et 305 reçus, devant l’ESC de Lyon qui eut 189 reçus et l’ESCae de Reims qui en eut 177. La liste complémentaire de Rouen alimentait d’autres écoles, comme avait fait celle de l’ESCP jusqu’en 1969. Cette position fut mise en valeur par l’organisation d’une première journée de présentation de l’Ecole aux Proviseurs et Professeurs des établissements possédant une classe préparatoire « HEC » (Haut Enseignement Commercial) le 27 janvier 1972 et de visites d’élèves dans leur préparation d’origine. Les résultats suivirent au concours 1972 : 803 candidats, 395 reçus à Rouen, 192 à Lyon, 163 à Reims et 128 à Toulouse. A noter que, sur les 395 reçus, 162 avaient été admis dans l’une des trois écoles parisiennes (HEC, ESSEC ou ESCP), plaçant majoritairement l’ESC de Rouen en premier choix après elles. La session de 1973 vit la mise en oeuvre de la réforme du régime des sursis, incitant les jeunes gens à effectuer le service militaire entre l’admission au concours et l’entrée à l’Ecole. Enfin, l’année 1973-1974 vit se poursuivre la progression des résultats précédents : 1 018 candidats au concours de 1974 – dont 300 jeunes filles – le quart des 4 000 candidats à l’ensemble des dix-sept ESCae ; 423 reçus, 131 intégrés (le 131ème étant classé 244ème, la liste complémentaire effective atteignit donc 179 élèves). Deux remarques peuvent être présentées :
  • L’une des causes de l’augmentation du nombre de jeunes filles fut le fait que les Grandes Ecoles parisiennes ne devinrent mixtes qu’à partir de la promotion 1976, alors que la dernière promotion d’HEC-JF[[Ecole des Hautes Etudes Commerciales pour Jeunes Filles]] fut celle de 1975.
  • D’autre part, dans le même temps, la mixité des classes préparatoires s’était accéléré.
  • Les classes préparatoires annexées à l’ESC de Rouen souffrirent de la concurrence des classes extérieures, alors que celles-ci avaient dans un premier temps soupçonné l’Ecole de les favoriser. Il fallut accélérer leur efficacité dès 1974-1975 pour les rendre plus compétitives.
Pour en terminer avec cette phase d’élévation du niveau d’admission, il faut signaler l’arrêté du 6 août 1976 qui permit des admissions parallèles directement en deuxième année pour les titulaires d’une licence ou d’un diplôme équivalent. – 2. L’évolution du cadre réglementaire a) La situation en 1967 En 1967, l’enseignement des ESC était présenté dans deux brochures éditées par l’ONISEP, l’une portant sur l’organisation de l’admission, des études et de l’attribution du diplôme, l’autre présentant les programmes détaillés. Chaque école était tenue d’en respecter toutes les dispositions. Le contenu de l’enseignement reposait sur un tronc commun composé essentiellement de cours d’économie, de droit civil et commercial, de comptabilité-finances et d’une langue vivante, auxquels s’ajoutaient quelques heures de mathématiques financières et statistiques, de psychosociologie et d’organisation de l’entreprise. Chaque élève choisissait en deuxième année une option, à raison de quatre heures en deuxième année et neuf heures en troisième année par semaine : « Finances- Comptabilité » (dont le droit pénal des affaires) ou « Distribution et Commerce Extérieur » (dont le droit international et des transports, ainsi qu’une deuxième langue vivante). L’ensemble représentait 25 heures par semaine. Les cours étaient assurés par des universitaires, des avocats, des experts-comptables, des professeurs de l’enseignement technique et des professeurs de langues. Un stage en entreprise était l’objet d’un rapport en troisième année. Le travail était sanctionné par des épreuves semestrielles au cours des trois années et un examen national de sortie à partir de sujets envoyés sous plis cachetés par le Ministère de l’Education Nationale. Le diplôme était attribué à partir d’une moyenne composée pour 50 % des résultats obtenus localement aux cours des trois années et pour 50 % par les notes obtenues à l’examen national. Le passage de la Direction de l’Enseignement Technique à la Direction de l’Enseignement Supérieur en 1966, avait permis de supprimer les examens nationaux pour le passage de première en deuxième année et de deuxième en troisième année. b) 1967-1968, une année de réflexion L’objectif était de s’appuyer sur les ressources pédagogiques de l’ESC et sur sa réputation pour mettre en oeuvre une formation plus globale que la simple acquisition de techniques et de connaissances, s’inspirant des réformes appliquées à l’Ecole HEC dès 1960 et surtout à l’occasion de sa nouvelle implantation à Jouy- en-Josas de 1964 à 1967. Le schéma envisagé fut dès lors le suivant : Après une année préparatoire de culture générale et un stage d’exécution, une première année consacrée à l’acquisition des connaissances de base nécessaires à un cadre d’entreprise et une mise en contact avec des entreprises locales, se terminant par un stage à l’étranger. Une deuxième année consacrée à l’apprentissage des techniques de gestion et à des cas d’application des connaissances de base, se terminant par un stage en responsabilité d’un minimum de trois mois à effectuer avant le 31 décembre suivant. Une troisième année de synthèse débutant le 1er janvier, utilisant l’étude de cas mettant en oeuvre l’expérience et l’acquit des deux premières années, complétée par un choix d’option pour faciliter l’insertion professionnelle. Les directeurs de l’ESCae d’Amiens, monsieur Furois, et de l’ESCP, monsieur Vigier, nommés également en 1967, partageaient les mêmes intentions. Sous l’égide de monsieur André Blondeau, Directeur de l’enseignement à la CCIP, nous constituâmes une commission d’études -à laquelle se joignirent les directeurs des ESC de Dijon, du Havre et de Lille -qui se réunit une fois par semaine à l’ESCP durant l’hiver 1967-1968. Dans un premier temps, nous analysâmes tout ce qu’un dirigeant d’entreprise devait connaître, d’abord par fonction (financière, commerciale, internationale, DRH…) puis pour la direction générale. Nous préparâmes, avec l’aide de la CCIP, des rencontres avec les directions de Business Schools Nord-Américaines. C’est ainsi que nous partîmes dix jours en mars 1968, ayant conçu un questionnaire d’entretien précis. Nous fûmes reçus à New- York University, Columbia, Wharton School, Harvard, Ann Arbor, Northwestern et HEC Montréal. Au retour, nous effectuâmes la synthèse de nos réflexions de l’hiver et de nos notes de voyage pour aboutir à un rapport se terminant par un schéma de programme. Ce rapport fut baptisé « Plan Vert », du fait tout simplement de la couleur de sa couverture. c) Mai 1968 à l’ESC Rouen C’est en pleine phase de préparation de l’avenir que survinrent les évènements de mai 1968. Hors de l’agitation extérieure, les cours furent assurés normalement en dépit de la quasi paralysie du Pays par les grèves. Un décret du 29 mai du Premier Ministre Georges Pompidou autorisa d’envisager des aménagements locaux pour l’attribution des diplômes. Le 31 mai, un télex aux Recteurs du Ministre de l’Education Nationale annulait l’examen de sortie nationale. Le 19 juin, une circulaire du Directeur Général de l’Enseignement Supérieur autorisa des épreuves orales locales à la place des épreuves écrites nationales. 89 des 90 élèves de la promotion 1968 obtinrent le diplôme (un seul ayant été refusé pour absences répétées fut muté à Marseille pour redoubler). Un jury national réunissant tous les directeurs prit acte des résultats. d) Le texte du 27 juin 1968 En fin de compte, les évènements de mai 1968 créèrent une ambiance favorable à la suppression d’une réglementation paralysante et à l’essor d’une plus grande autonomie pédagogique. Profitant des jurys de fin d’année réunis les 26 et 27 juin, les enseignants approuvèrent à l’unanimité une liste de réformes s’inspirant du Plan Vert qui fut envoyée au Ministère pour mise en vigueur dès l’année 1968-1969 :
  • Création d’un conseil de perfectionnement, présidé par le Président de la Commission administrative et comprenant des représentants de la CCIR, d’entreprises, d’enseignants et d’étudiants, chargé de suivre et d’orienter la pédagogie.
  • Restructuration de la scolarité suivant le schéma présenté ci-dessus.
  • Création d’une quatrième année de spécialisation pour des diplômés volontaires sélectionnés, constituant l’embryon d’un troisième cycle.
  • Remplacement des cours d’amphithéâtre par des cours en groupes d’une cinquantaine d’étudiants, avec des sous-groupes de 25 et des travaux pratiques de 15 étudiants maximum en langues et en psychosociologie.
  • Intervention des enseignants vacataires par demi-journées pour permettre la concertation au sein d’une même discipline et des contacts avec les étudiants.
  • Rationalisation de l’emploi du temps sur onze demi-journées.
  • Création d’une évaluation voulant favoriser l’initiative et le sens des responsabilités chez les étudiants :
    • note de participation donnée par chaque enseignant – coefficient 4.
    • note de comportement-assiduité – coefficient 1 -donnée par la direction, possibilité de proposition de notation par groupes de 3 à 5 élèves, ceux-ci se répartissant les points entre eux).
    • examens semestriels – coefficient 3.
    • notes d’interrogations – coefficient 2.
  • Autonomie de l’évaluation chaque semestre et suppression des coefficients afin d’éviter les impasses.
  • Présence de trois représentants des élèves dans les jurys, se retirant pour les délibérations.
  • Mise en place d’un secrétaire administratif par promotion.
  • Aménagement des locaux :
    • pose de cloisons mobiles dans les grandes salles afin d’obtenir au total une trentaine de salles de sous-groupes ;
    • transformation de salles d’interrogation en bureaux pour enseignants ;
    • aménagement de la salle de secrétariat en atelier de reproduction et d’informatique ;
    • enlèvement des estrades dans les salles de cours.
En fait, ces changements intervinrent dès la rentrée 1968 à l’ESC Rouen. e) La régularisation Au niveau national, j’eus l’occasion de présenter les conclusions du Plan Vert devant la Commission Permanente des ESCae, au Ministère de l’Education Nationale, à l’automne 1968. Il s’ensuivit la publication de l’arrêté du 12 février 1969 qui permit aux Ecoles d’envisager de modifier leurs programmes à titre expérimental dès l’année universitaire 1968-1969 et qui institua un régime transitoire pour l’examen de sortie. – 3. Le rôle des enseignants Il fut évidemment fondamental. L’Ecole disposait d’un corps d’enseignants vacataires de qualité. Il s’agissait pour la direction de faire évoluer les programmes et les méthodes avec leur assentiment tout en faisant appel à de nouveaux intervenants, surtout en troisième année : enseignants d’HEC en International, en Finances et en Politique générale, comme Jean-Louis Scaringella et Daniel Zumino, de l’Université Paris IX-Dauphine en Economie, comme Dominique Roux, dirigeants ou membres de cabinets conseil en Marketing et en Management, comme Jean- Louis Alpeyrie, Alain Carcopino ou Jean-Louis Ferry. A partir des objectifs donnés parla CCIR et du cadre de l’évolution tracé, il s’agissait d’avancer tout en respectant le passé afin d’éviter toute fracture et d’assurer la pérennité de la qualité du diplôme de l’école. La rentrée 1968 avait vu l’organisation d’un « séminaire d’accueil » à destination des élèves de première année à leur arrivée. Elle se poursuivit par des visites d’entreprises locales tout au long de l’année. Des conférences de méthode hebdomadaires consacrées à l’environnement administratif et social étaient animées par des administrateurs civils comme Alain Grangé-Cabanne ou Bernard Faivre d’Arcier. Janvier 1969 vit l’acquisition d’un terminal d’ordinateur avec l’assistance du service informatique des « Anciennes Mutuelles » de Belbeuf. A la rentrée 1969, 12 diplômés inscrits en quatrième année de spécialisation, se virent proposer la fonction de Moniteur, à mi-temps, après avoir suivi un stage du STEGE[[Stage d’Etudes de la Gestion des Entreprises (créé par la CCIP en 1954)]] du 24 au 27 juin 1969. Ils devaient aider au travail personnel des étudiants et à la préparation des cas. Au cours de l’année 1969, l’Ecole adhéra à la Centrale des cas, créée par la CCIPet animée par madame Ariane Chabrol. La promotion 1970 compta 125 diplômés. – 4. L’arrêté du 30 novembre 1970 L’arrêté du 30 novembre 1970 clôtura le travail entrepris en 1967 et réorganisa l’ensemble des ESCae sur de nouvelles bases :
  • il n’était plus question de l’ESCP
  • le programme publié pour les trois années, inspiré du Plan Vert, devenait simplement indicatif,
  • à côté d’un Jury national pour le choix des sujets des épreuves écrites et la délivrance du diplôme, était créé un jury local par Ecole qui proposait les décisions à prendre au jury national.
C’était une étape importante de franchie. Le hasard fit que cela coïncida avec la fin du mandat consulaire du PrésidentCharles Heudier, remplacé en janvier 1971 par monsieur Jacques Humbert à la présidence de la commission administrative de l’ESC. Ce fut également au premier semestre 1971 que l’ESC fêta le centenaire de sa création sous la présidence de MONSIEUR Jean Lecanuet, ancien Ministre, Président du Conseil Général de Seine-Maritime, Sénateur-Maire de Rouen. L’année 1971 coïncida avec l’activité particulièrement remarquée du Bureau des Elèves présidé par René Silvestre, le futur patron des éditions Génération et de « l’Etudiant ». La promotion 1971 bénéficia de la nouvelle troisième année : rentrée en janvier 1971 après le stage de longue durée, elle travailla en particulier sur une cinquantaine de cas d’entreprises. Elle étrenna le nouvel examen de sortie décentralisé. C’était l’aboutissement des travaux entrepris dans le cadre du Plan Vert qui, avec le départ de l’ESCP, consacrait la place de l’ESC Rouen comme leader national de la réforme. L’extension de l’activité de relations, tant internes qu’externes, rendit nécessaire la présence d’un attaché aux études. Ce poste fut tenu par Claude-Eric Paquin, HEC, diplômé de Harvard, qui contribua grandement à dynamiser la vie intérieure de l’Ecole à partir de la rentrée 1971. Les anciens élèves « moniteurs » se transformèrent dès 1970 en Assistants, deux accompagnaient les secrétaires de promotion de 1ère et 2ème années, tandis que dix assuraient un suivi par discipline, formant l’embryon d’une organisation en départements. Ces assistants ne restant qu’une année universitaire, il devenait nécessaire d’envisager le recrutement d’enseignants permanents pour développer une pérennité des activités éducatives : la FNEGE[[Fondation Nationale pour la Gestion des Entreprises]], créée par le Ministre de l’Industrie en partenariat avec l’APCCI et le CNPF[[Conseil National du Patronat Français]] en 1968, s’était donné pour objectif de développer en France un corps d’enseignants de gestion par l’attribution de bourses de formation d’un an dans des Business Schools Nord-Américaines, en partenariat avec les institutions françaises intéressées. L’ESC Rouen participa à ses travaux dès sa fondation et eut ainsi la possibilité de faire bénéficier plusieurs anciens assistants de l’Ecole de l’une de ces bourses, grâce à l’appui de la CCIR qui accepta de participer à leur financement. L’action de la FNEGE, coordonnée par son secrétaire général, monsieur Charles Giraud, fut le point de départ du développement des corps enseignants permanents dans les Grandes Ecoles de Management et fut un élément déterminant de l’essor de l’enseignement de la gestion dans les universités, resté jusqu’aux années soixante-dix une simple option de la licence de sciences économiques, en dehors de l’expérience limitée des IAE, remontant au milieu des années cinquante, et de la création de l’Université Paris-Dauphine en 1969. Décembre 1971 vit pour la première fois les parents et élèves associés au financement de l’Ecole par une sollicitation à participer à la campagne de versement de la Taxe d’Apprentissage. Nécessaire pour faire face à l’élévation du coût de fonctionnement de l’établissement, ce fut aussi une occasion de motiver les élèves à leur propre formation. La rentrée 1972 vit l’installation de six enseignants permanents formés dans le cadre de la FNEGE. Celle-ci préconisait de leur donner une triple mission : formation première, formation continue et conseil en entreprise. Un contrat d’engagement original fut mis au point par la CCIR, prévoyant une année sabbatique en entreprise la septième année. L’évolution en cours correspondait aux lois sur la formation professionnelle permanente de 1971. La promotion entrante compta 162 élèves dont 12 sur titre et 35 jeunes filles[[Alors que l’ESC Rouen était effectivement mixte depuis 1929, HEC et l’ESCP n’ont admis de jeunes filles qu’à partir du concours 1973, après l’arrêt du concours d’HEC-JF en 1972.]]. Le président du jury national monsieur Bouglé, réunit les directeurs des ESCae le 1er décembre 1972 pour organiser les modalités de l’examen de sortie 1973 en application des dispositions de l’arrêté du 30 novembre 1970, prévoyant une large autonomie des Ecoles qu’il convenait d’harmoniser par un contrôle académique des sujets et des corrections d’épreuves écrites décentralisées. Il en fut tenu compte dans la scolarité de la promotion de troisième année, 129 élèves sur 130 furent diplômés, dont 24 jeunes filles. – 5. 1973 : l’année d’un bilan ? En 1973, l’essentiel des objectifs de 1967 étaient atteints ou en passe de l’être. L’Ecole se trouvait considérée à la fois comme normande et comme en marge de la Région Parisienne, répondant en cela au schéma d’aménagement de la Basse-Seine que la CCIR avait décidé d’accompagner par la promotion de l’ESC, sous l’impulsion du Président Vaudour. Des activités de perfectionnement se développaient sur la Région dans le cadre du CESPER[[Centre d’Enseignement Supérieur de Perfectionnement de Rouen]] annexé à l’ESC. Les premiers enseignants permanents s’installaient dans une Ecole animée essentiellement par des vacataires. Les assistants créaient un lien entre les enseignants et les étudiants tout en poursuivant des études à mi-temps. Un projet de création d’un diplôme de troisième cycle se précisait, en coopération avec l’IDIT[[Institut du Droit International des Transports]] dont l’ESC était l’un des membres fondateurs et le Bâtonnier Pierre Emo, enseignant à l’Ecole. Les liens avec l’environnement économique avaient été développés par une politique active de coopération dans le domaine des stages et des visites en entreprises. Le Sous-Directeur, monsieur Geistodt-Kiener -venu de l’entreprise -y veillait. Les associations professionnelles étaient sollicitées pour intervenir dans la formation, à titre d’exemples : participation aux jurys d’entretien des concours, intervention des banquiers de la place en troisième année, coopération avec les DCF (Dirigeants Commerciaux et économiques de France). L’Association des Anciens Elèves avait son siège dans l’Ecole et participait au mouvement d’expansion en gérant les offres d’emplois. Dès 1969, elle enregistrait 254 offres directes, contre 110 en 1968. Enfin, le développement de nombreuses associations d’élèves était favorisé par la direction afin qu’au cours des trois ans, chaque étudiant ait la possibilité de prendre des responsabilités : BDE[[Bureau des Elèves]] , AIESSEC[[les Association Internationale des Etudiants en Sciences Economiques et Commerciales]] , Junior-Entreprise, Club d’investissement, Photo-club, Ciné-club, association sportive…, il est à noter que l’une des spécificités de la direction de ce type d’Ecole est d’assurer un équilibre entre l’épanouissement d’activités associatives et le sérieux des études. L’année 1973 se terminait malheureusement par le décès du Président Humbert, le 13 décembre. La place occupée par l’ESC Rouen en France fut mise en valeur par le choix de son directeur pour occuper l’un des deux sièges réservés aux Ecoles Commerciales, à côté de monsieur Richard Zisswiller, directeur d’HEC, au conseil d’administration de la Conférence des Grandes Ecoles, à partir de 1972.

II – LA MUTATION STRUCTURELLE DE 1974 A 1976

A moins d’agir à dose homéopathique, toute action dans le domaine social tend à générer des réactions. L’évolution que je viens d’esquisser ne pouvait manquer de provoquer des remous à l’intérieur comme à l’extérieur de l’établissement. Je me propose d’évoquer ci-dessous des évènements qui ont été la cause ou la conséquence, selon les cas, de soubresauts qui ont suscité des phases d’accélération ou de pause dans l’histoire de l’ESC Rouen durant toute la période et plus particulièrement pendant la mandature 1974-1976 de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Rouen. – 1. Le problème de la note de participation (1969) Nous avons vu que les évènements de mai 1968 n’avaient eu que peu d’influence sur la bonne marche de l’Ecole. En revanche, comme dans d’autres établissements d’enseignement supérieur, la rentrée 1968 vit arriver des jeunes gens qui avaient vécu les évènements dans des lycées plus ou moins agités et il y eut une certaine effervescence post 68. Le climat fut par ailleurs perturbé au printemps 1969 par l’annonce de la sécession de l’ESCP du Groupe des ESCae. C’est dans ce contexte que les jurys réunis le 1er juillet 1969 découvrirent que les notes de participation et de comportement créées en application du texte du 27 juin 1968, comptant pour 50 % de l’évaluation en première et en deuxième année, étaient très élevées et perdaient ainsi toute signification. Nous étions en face d’un mouvement classique de résistance au changement ; des élèves avaient su profiter d’un système qui devait les responsabiliser alors que, dans le même temps, beaucoup d’enseignants, tous vacataires, n’étaient pas prêts à le promouvoir. Les mêmes enseignants qui n’avaient pas résisté à la pression d’élèves furent les plus véhéments pour réagir et poussèrent la majorité des jurys à ne prendre en compte que les moyennes des interrogations et les notes d’examens semestriels. C’était en effet le moyen de sanctionner les élèves qui n’avaient pas travaillé et dont les résultats se trouvaient faussés. Il s’ensuivit des interventions auprès du Ministre et des articles dans la presse régionale. Le Président de la CCIR arbitra et, en accord avec la direction, un certain nombre de sanctions furent annulées. Il restait à tirer la leçon d’une réforme qui avait été mise en oeuvre trop vite dans un ensemble qui n’y était pas préparé. La conséquence fut la préparation en Conseil de Perfectionnement d’un Règlement Intérieur de l’ESC que le Président Heudier signa le 28 janvier 1970. Les notes de participation voyaient leur coefficient diminuer et des bonifications étaient prévues pour les activités associatives des élèves sous le contrôle de la direction et dans un maximum de 10 % de l’évaluation générale. – 2. Une réaction à l’autonomie de l’ESCP (1969-1970) Il s’est agi ici d’une réaction d’organismes gestionnaires. Devant la sortie non concertée de l’ESCP du réseau des ESCae, les Présidents des CCI de Bordeaux, Marseille, Reims et Rouen publièrent un Plan d’action définissant les caractéristiques auxquelles devait répondre une ESCae et appelant les autres CCI gérant une Ecole à faire le nécessaire pour se joindre au mouvement. Il est intéressant de citer les critères évoqués :
  • un encadrement pédagogique par au moins cinq départements,
  • un encadrement administratif (service des stages, bibliothécaire….)
  • la mise en oeuvre de méthodes pédagogiques actives
  • des locaux fonctionnels (salles de groupes…)
  • un équipement pédagogique : informatique, reproduction, salle de projection…
  • un effectif de plus de cent élèves par promotion.
3. L’épreuve d’entretien au concours d’admission (1971) Chercher à évaluer la personnalité et la motivation des candidats avec une épreuve ne correspondant pas à un programme précis de la préparation, provoqua des réactions de rejet de la part d’enseignants des classes préparatoires accusant cette épreuve d’être « subjective ». A titre d’exemple, par sa lettre du 1er juillet 1971, le Proviseur du lycée Corneille contesta la participation aux jurys d’un assistant, jeune ancien élève, et préconisa à la place la présence d’un universitaire enseignant à l’ESC, pour la session 1972. La réponse fut donnée par l’organisation de la journée « portes ouvertes » du 27 janvier 1972, une première en France au cours de laquelle l’épreuve d’entretien fut dédramatisée et par l’invitation d’enseignants à venir assister aux oraux du concours. – 4. La position de l’Association des Diplômés (octobre 1971) A l’occasion du numéro spécial consacré au Centenaire de l’ESC par la revue de l’association, son Président, monsieur Jacques Burette, exprima les craintes des anciens diplômés devant l’abandon des règlements nationaux par le Ministère de l’Education Nationale. Dans le cadre d’une autonomie de gestion, le bureau de l’association craignait q’une expansion trop rapide de l’Ecole remette en cause son financement par la CCIR et n’aboutisse soit à sa disparition, soit à sa nationalisation comme cela avait été le cas pour l’Ecole de Strasbourg, devenue au début des années soixante l’IECS[[Institut d’Etudes Commerciales de Strasbourg]] dans le cadre de l’Université Robert Schuman. Dans les deux cas, l’association craignait évidemment un préjudice pour les diplômés alors qu’on aurait pu penser, a priori, que les anciens élèves seraient fiers de voir leur diplôme valorisé ! – 5. Le renouvellement de la CCIR de janvier 1974 Pour la première fois depuis la loi de 1884, les CCI furent renouvelées totalement pour intégrer la catégorie « Services » à côté de celles de l’Industrie et du Commerce. La campagne électorale sembla justifier les craintes de l’association des Diplômés puisque les représentants élus de la catégorie Commerce et des élus sur une liste PMI dans la catégorie Industrie remirent en cause l’expansion de l’ESC et réclamèrent une diminution de son coût pour la CCIR. Il faut reconnaître à leur actif que la Basse-Seine n’avait pas connu le développement prévu par le schéma des années soixante et qu’à la place d’une expansion industrielle elle avait vu disparaître les usines textile et faiblir l’industrie chimique sans qu’aucune implantation nouvelle importante ne se produise à partir de 1968. A la présidence de la CCIR, monsieur Marcel Sauvage remplaça le Président Vaudour qui n’était plus rééligible. Il confia la présidence de l’ESC à monsieur Le Garsmeur. Pour répondre aux critiques évoquées ci-dessus et préciser le positionnement de l’ESC, il fit décider par la Commission administrative la conception d’un questionnaire. Celui-ci fut adopté en octobre 1974 et diffusé pendant l’hiver 1974- 1975 à des représentants des différentes catégories de personnes concernées par l’Ecole (chefs d’entreprises, anciens élèves, enseignants, étudiants, parents d’élèves). Le questionnaire abordait six rubriques : les débouchés, le recrutement, l’enseignement, l’environnement, les associations et le financement. Chaque rubrique fut dépouillée par une Commission spécifique et une synthèse fut établie au printemps 1975 qui confirmait le rayonnement national de l’ESC et la poursuite de l’évolution commencée – la Chambre de Commerce et d’Industrie de Rouen en prit acte. Parallèlement, des études étaient poursuivies par la Commission administrative sur le contrôle des coûts de fonctionnement et les moyens de financement. La confirmation des objectifs de développement de l’ESC fit l’objet d’une délibération de la CCIR en date du 25 septembre 1975, qui officialisa le résultat des études entreprises au cours de l’année universitaire 1974-1975. – 6. Les attentes des étudiants en 1975 et 1976 La diffusion du questionnaire eut l’inconvénient de semer une certaine inquiétude parmi les étudiants venus dans un établissement à vocation nationale, voire bientôt internationale. Cette inquiétude fut exploitée par des élèves entrés en 1973 et 1974 dans le cadre de « l’entrisme » pratiqué par des organisations étudiantes nées après 1968, visant à obtenir la nationalisation des établissements d’enseignement supérieur. L’ESC Rouen fut « investie » comme le furent HEC, l’ESSEC et l’ESCP. L’aspect positif est, qu’a posteriori, cela constituait une preuve de l’importance prise par l’Ecole parmi les Grandes Ecoles de Commerce françaises. Ayant semé la morosité dans la vie associative, la contestation d’une décision de jury en février 1975 fut le prétexte d’une agitation des élèves, demandant à participer aux décisions concernant l’avenir de leur Ecole. Le dépouillement du questionnaire, favorable à la confirmation de la vocation de l’Ecole, joint à une structure de participation mise en place par la CCIR au cours de cette année, permirent de mettre fin à ce mouvement. Cependant des doutes subsistèrent qui se manifestèrent à nouveau au printemps 1976, en marge d’une agitation étudiante au niveau national. En décembre 1976, une lettre aux élèves du Président Sauvage leva toute ambiguïté. – 7. La place des enseignants permanents (1976-1977) A la redéfinition des objectifs de l’ESC par la CCIR et à l’agitation étudiante s’ajouta en même temps le problème des enseignants permanents embauchés par le canal de la FNEGE. La structure académique de l’ESC restait une structure centralisée au niveau de la direction, caractérisée par des liens directs avec les enseignants vacataires. Nous avons vu qu’un début de structure par discipline avait été mis en place avec les assistants. Ce n’était pas suffisant et les nouveaux enseignants permanents s’estimaient insuffisamment responsabilisés. Une association des enseignants de l’ESC se forma dans le but de participer davantage aux décisions, notamment à celles d’ordre pédagogique. La concertation aboutit à la création d’une structure académique originale et d’une nouvelle structure administrative de l’encadrement des élèves. Les enseignants furent regroupés en « Centres d’activités » à la rentrée 1976, coordonnés par un Directeur des études, Jean-Louis Lecocq. La responsabilité du fonctionnement pédagogique de chaque centre fut confiée à un professeur permanent ; il était assisté d’un Conseiller, personnalité compétente dans le domaine considéré. Parallèlement furent créés les postes de Chargé des relations extérieures (monsieur Geistodt-Kiener, Sous-Directeur depuis 1970) et de Documentaliste (Elisabeth Escande). Une prise de position nette et claire du Président Sauvage en date du 25 mai 1977 mit un point final à cette période de mutation de l’ESC qui sortit revivifiée de l’ensemble des mouvements d’action-réaction traversés.

III – VERS LE GROUPE ESC ROUEN :

La mutation que venait de connaître l’ESC allait lui servir de base pour ne plus être seulement une Ecole et pour devenir une institution de formation diversifiée. – 1. Le maintien d’un recrutement de bon niveau Les transformations internes n’avaient pas empêché l’ESC Rouen de continuer à bénéficier d’une image de sérieux et d’efficacité dans les classes préparatoires et dans les services de recrutement des grandes entreprises. A la session 1979 du concours national, l’Ecole enregistra 916 candidats pour 125 places. Elle eut 354 reçus, le dernier admis à Rouen étant 279ème ; elle bénéficiait encore d’une liste complémentaire bien qu’au fil des années, chaque ESCae cherchait à faire le plein par elle-même et à se passer des listes complémentaires d’autres écoles. En raison de la situation évoquée précédemment, l’ESC Rouen n’avait pu réagir sur le moment à la prise d’autonomie de l’ESC Lyon en 1975. Cependant, à ce même concours 1979, cette dernière n’obtint que 314 reçus pour 110 places. L’ESC Reims n’avait quant à elle enregistré que 590 candidats et 206 reçus pour 120 places. La session 1980 vit l’ouverture de centres d’examens dans les académies ne possédant pas d’ESC sur leur territoire. Afin de rétablir un concours national mieux équilibré, l’ESC Rouen contribua fortement à la sortie de l’Arrêté du 30 septembre 1981 qui réorganisa le concours sur les bases suivantes :
  • grille nationale de coefficients avec possibilité pour chaque Ecole de varier chaque coefficient de plus ou moins un point dans un total fixe,
  • choix par le candidat limité à cinq Ecoles,
  • brassage national des copies et barre d’admissibilité nationale,
  • oraux personnalisés par Ecole,
  • barre d’admission propre à chaque Ecole.
Du fait de son implication, l’ESC Rouen se vit confier par l’ACFCI la gestion des notes pour l’ensemble des Ecoles sur son ordinateur[[Digital PDP]] , sous la responsabilité de Patrice Colasse, aidé par Alain Dulondel, en 1981. Les résultats furent conformes aux prévisions comme en témoignent les chiffres de la session 1982 :
  • 2 906 candidats (1 032 en 1981)
  • 1 037 admissibles ( 548 en 1981)
  • 554 reçus ( 319 en 1981)
le dernier intégré à Rouen étant 344ème , notre Ecole bénéficiait d’une liste supplémentaire. A la session 1983, Rouen enregistra 3 139 candidats et en 1984, avec une barre à 10 à l’admissibilité, le taux d’admission à Rouen fut de 15 %. Enfin, c’est en 1984 que l’admission sur titre s’aligna sur le taux de sélection du concours national (15 %). Le maintien d’un niveau de recrutement élevé fut déterminant pour l’essor de l’ESC pendant cette période 77-84, parallèlement à la qualité du corps enseignant et à l’ouverture internationale. – 2. L’évolution de la structure académique La structure par centres d’activité mise en place à la rentrée 1976 fut consolidée au cours de l’année 1977-1978 sous l’impulsion d’Alain Lepicard, HEC, MBA Stanford, enseignant à HEC puis à l’ESC Rouen depuis plusieurs années. Elle correspondait dès l’origine au désir de concilier l’audience nationale de l’Ecole avec la nécessaire contribution au développement économique régional, donc à la nécessité de s’intéresser à toutes les tailles d’entreprises et à tous les secteurs d’activité. Cette structure était décentralisée sous une direction des études chargée de coordonner l’ensemble afin de s’assurer de l’aspect généraliste de la formation et d’éviter les spécialisations trop poussées qu’auraient entraîné une structure par départements. Alain Lepicard précisait ainsi la doctrine de la pédagogie à mettre en oeuvre : « notre objectif n’est pas de former des individus pour des postes ou des fonctions très précises, mais plutôt de développer les qualités propres à en faire les éléments vitaux de l’expansion et de la compétitivité des entreprises dans lesquelles ils seront amenés à collaborer à des tâches très diverses…. » L’entreprise a besoin de dirigeants disposant, outre de qualités intellectuelles, d’indépendance d’esprit, d’autonomie de comportement, de volonté, d’enthousiasme réfléchi, de capacité à entraîner des équipes et de goût pour l’effort… Le succès de l’entreprise est obtenu par des méthodes très diverses et il ne se renouvèle pas d’une façon identique. La conclusion est que le succès matérialise la conjonction entre l’harmonie des décisions prises pour gérer l’entreprise et des réalités dans lesquelles évolue cette entreprise. La difficulté de gérer est d’abord celle d’apprécier correctement les réalités… » (extrait de la brochure 1979 de Sup de Co Rouen). La structure académique comportait sept centres d’activité :
  • Aide à la décision
  • Economie -environnement
  • Droit-international
  • Finance – Comptabilité – Contrôle
  • Langues
  • Management et Sciences Humaines
  • Marketing
Au cours de ces deux années, le nombre de jeunes filles atteignit 62 sur 157 dans la Promotion 1977-1980. Fin 1977, monsieur Boéro avait remplacé monsieur Le Garsmeur et suscité la création « d’ESC Conseil » pour les PMI régionales, animée en particulier par Antoine Lancestre, Claude Mathieu et Patrick Vuillet En 1977-1978, la communication à l’intérieur et à l’extérieur de l’ESC est structurée par le lancement « d’ESC Informations ». L’année 1978-1979 voit monsieur Jean Lemarchand prendre la présidence de la Commission administrative, l’ESC s’équipe d’un ordinateur et accueille Gérard Pelcener comme chargé des relations extérieures. Une importante opération d’étude d’image fut conduite avec le cabinet Roux- Ségala-Cayzac au cours de l’année 1979-1980. C’est à cette occasion qu’un nouveau logo « Sup de Co Rouen » fut adopté, pour la communication avec la presse en particulier. Une opération de relations publiques organisée à Paris le 25 mars 1980 sous le titre « la réussite existe, je l’ai rencontrée ! », présenta les parcours d’anciens élèves, sous la présidence effective de monsieur Jean Lecanuet. Cette manifestation fut suivie du « Tradinvest 80 », organisé en coopération avec la CCIR et le Port Autonome de Rouen, consacré au commerce extérieur. Cette politique active de communication s’appuya sur une poursuite du renforcement de l’encadrement pédagogique aux cours des années 1979 et 1980. L’arrivée de Jean-Marie Peretti, Professeur à l’ESSEC, Docteur en Gestion, spécialiste des ressources humaines, comme Directeur des Etudes en 1980 devait entraîner une double mise en place. a) « Sup de Co Rouen » devient un Centre Intégré de Gestion Grâce au renforcement du corps enseignant, en 1980 celui-ci rassemblait 18 enseignants permanents, 10 assistants et 120 vacataires, les conseillers des Centres d’activité – symboles d’une structure intermédiaire – disparaissent et des enseignants permanents prennent la pleine responsabilité des Centres. En août 1980, un accord conclu avec monsieur Jacques Delécluse, Directeur du CEPPIC[[Centre de Perfectionnement Pour l’Industrie et le Commerce, service de la CCIR]] permet de mettre en place « ESC Formation Continue ». En 1981, un DESS de gestion du personnel est créé par l’Université de Rouen, en partenariat avec l’ESC, embryon d’un « ESC 3ème cycle ». Des activités de conseil sont développées en collaboration avec les services d’Assistance Technique de la CCIR, donnant naissance à « ESC Conseil », enfin « ESC Etudes » groupe les activités de recherche des enseignants dans le CREN (Centre de Recherche Economique Normand) sous l’impulsion de Didier Marteau et un Institut de la PME est créé, en coopération avec l’Université de Haute-Normandie. b) Une réforme des études en 1982-1983 Elle reposait sur deux notions : des possibilités de choix accrues et une plus grande responsabilisation des étudiants. La répartition entre le tronc obligatoire et les cours au choix était la suivante :
Tronc commun Cours au choix
1ère année 100 % 0
2ème année 70 % 30 %
3ème année 35 % 65 %
Elle introduisait, en outre, un système d’obtention de crédits, avec épreuves de rattrapage en cas d’échec et un accompagnement des élèves de première année sous forme de tutorat par les enseignants, en particulier pour encadrer les études individuelles ou en petits groupes sur des situations d’entreprise. Cette réforme correspondit à l’acquisition des premiers micro-ordinateurs « Goupil » en 1982. Jean-Marie Peretti étant nommé Directeur de l’ESC de Marseille, c’est Henri Jollès, Docteur en Sciences Economiques et collaborateur de monsieur Christian Vulliez, directeur Général adjoint de la CCIP, chargé de la Formation, qui le remplaça en 1984. Entre temps, sous l’impulsion de Daniel Pouilly et de Martine Lordereau, Secrétaire Générale, l’Association des Diplômés fêta en 1982-1983 son millième cotisant. A l’automne 1984, Gérard Pelcener, Directeur des Relations extérieures, interviewa 33 personnalités du monde économique pour connaître leurs attentes vis-à-vis d’une Ecole de management. Leurs réponses dégagèrent deux caractéristiques attendues des diplômés : d’une part, avoir une personnalité ouverte, d’autre part avoir une approche généraliste de la gestion correspondant aux besoins des PME- PMI et à partir de laquelle les grandes entreprises peuvent les spécialiser. Ainsi les choix effectués par l’ESC Rouen se trouvaient-ils justifiés une fois de plus. c) Conséquences : En 1984-1985, le corps enseignant permanent était composé de 20 permanents et de 10 assistants, répartis entre 8 centres d’activité par séparation des Affaires internationales et du Droit. « ESC Conseil » pratiquait des études commerciales et financières en entreprises et était renforcé d’un institut de la PME (déjà 20 études en 1982-1983), du Centre de Calcul utilisant l’ordinateur Digital, d’une Banque de bilans sociaux et de l’envoi de missions à l’étranger, en coopération avec l’Assistance Technique de la Chambre de Commerce et d’Industrie. « ESC Formation Continue » offrait des cycles inter-entreprises dans le catalogue du CEPPIC, dont la préparation à la profession comptable, après la réforme de 1984, et un cycle de gestion pour ingénieurs, ainsi que des cycles intra-entreprises. « ESC Recherche » correspondait au CREN (Centre de Recherche et d’Etude Normand), en relation avec le Conseil Régional de Haute-Normandie, et à des publications d’articles. « ESC 3ème cycle » regroupait le DESS de Gestion du Personnel, un projet de DEA d’affaires internationales et les relations avec des Universités étrangères (USA, Canada, Allemagne, Espagne…). Le rayonnement de Sup de Co Rouen était assuré localement par des conférences ouvertes au public destinées à faire profiter son environnement des moyens de réflexion et des compétences réunis à l’ESC Rouen. Au-delà, contentons-nous de signaler quelques-uns des enseignants permanent de l’ESC Rouen qui ont occupé ensuite des fonctions de direction :
  • Michel Besnehard, Directeur Général de Sup de Co Rennes
  • Alain Boissière, Directeur de la Formation de la CCIR avant d’en devenir Directeur Général
  • Patrice Colasse, Doyen du corps professoral de Sup de Co Rouen
  • Philippe Cuinier, premier directeur de l’ESC Tours
  • Yves Goblet, Vice-Président de Bouygues-Télécom et de T.P.S.
  • Bernard Goudin, Directeur Général de la CCI Régionale de Haute-Normandie
  • Pascal Morand, Directeur de l’Institut de la Mode
  • Serge Oréal, Directeur des études à l’ESC Reims puis à l’ESC Grenoble
  • Roger Ourset, Directeur de l’ESA[[Ecole Supérieure des Affaires]] à Beyrouth
  • Elisabeth Pastore, Directrice d’ETHICITY
  • Jean-Marie Peretti, Directeur de l’ESC Marseille
  • Maurice Thévenet, Directeur de l’ESSEC
  • Elisabeth Tissier-Desbordes, doyen de la Recherche à l’ESCP.
3. De l’international à la mondialisation Parallèlement au renforcement de la structure académique, l’ESC Rouen développa petit à petit des contacts avec des entreprises et des universités étrangères car dès la fin des années 1960, au « défi américain » lancé par Jean-Louis Servan-Schreiber devait répondre le « défi européen ». A cette époque, quelques étrangers de culture française étaient parfois reçus au concours et l’Ecole accueillait sans concours quelques « auditeurs agréés », étudiants originaires des pays de la Communauté Française, pouvant être admis en deuxième année en cas de réussite en première année. Dès 1969-1970, un cours d’affaires internationales était enseigné à l’ESC, avec Maître William Garcin. A partir de 1970-1971, ce furent des enseignants du département Affaires internationales d’HEC qui animèrent des cas en 3ème année, parmi lesquels Jean Klein, Jean-Marc De Leersnyder et Henri de Bodinat. En 1971-1972, le stage à l’étranger fut rendu obligatoire entre la 1ère et la 2ème année, ou à défaut en fin de 2ème année. Dès 1977, se développèrent des liens institutionnels : accord avec l’ENSUT[[Ecole Nationale Supérieure Universitaire de Technologie]] de Dakar initié en 1973, avec les Universités de Leeds en Angleterre, de Laval et de Sherbrooke au Québec, avec la « NELP»[[North East London Polytechnic]] à Londres. En 1980, accord avec la CCI de la Réunion pour accueillir chaque année des étudiants réunionnais à Rouen. A partir de 1981-1982, commencèrent les négociations avec des universités étrangères pour permettre à des élèves d’obtenir un MBA[[Master in Business Administration]] en un an. Les premiers accords furent passés avec les Universités de Storrs aux Etats-Unis et Laval au Québec, de Cologne en Allemagne, d’Aston à Birmingham et avec l’ICADE à Madrid. Des colloques et des journées d’études furent organisés régulièrement, le plus souvent en coopération avec le Port Autonome de Rouen. Citons parmi les plus importants :
  • un colloque franco-suédois en mars 1969
  • une table ronde sur l’intégration politique européenne, présidée par monsieur Jean Lecanuet, en octobre 1972
  • un « Tradinvest » Brésil en 1975
  • un « Tradinvest 1980 » sur le commerce international
  • un « Tradinvest » Cameroun en 1981
  • une rencontre avec des entreprises marocaines, en février 1982
  • un séminaire à Dakar sur la gestion des PME au Sénégal, en mars 1982
  • un voyage d’études au Cameroun en mars 1983, organisé par la Région Haute-Normandie
  • un colloque sur le commerce international à l’Ecole Centrale de Planification et de Statistiques (SGEPIS) de l’Université de Varsovie en janvier 1984, en liaison avec l’AIESSEC.
Enfin, l’ESC Rouen fut l’une des premières Grandes Ecoles de Commerce française à devenir membre de l’EFMD (Fondation Européenne pour le Développement du Management) en 1972, de l’AEIB (Academy for Education in International Business) dès 1969 et de l’IAB (International Academy for Business). Au printemps 1985, à l’aide d’un circuit outre-atlantique, la direction initiait de nouveaux accords avec les Universités de Georgetown à Washington, de New-York, de Purdue, de MacGuill à Montréal, de Laval à Québec et de Santa-Barbara en Californie. Ainsi par sa structure en Centre Intégré de Gestion, par la qualité de son corps enseignant et par les liens qui se développaient à l’international – tant dans le domaine académique que dans le domaine économique – Sup de Co Rouen s’apprêtait à faire face aux nouveaux impératifs de la formation au management qu’allait bientôt imposer la mondialisation.

Conclusion

Arrivé au terme de ce survol d’une vingtaine d’années de l’histoire de l’ESC Rouen, je vous propose avant de conclure d’aborder deux domaines qui prouvent que les impératifs de formation actuels au management étaient déjà d’actualité dès les années soixante et que c’est plus l’envergure des situations qui a changé. Le premier domaine est constitué par les causes de l’évolution de la formation au management des organisations et des entreprises durant la seconde moitié du XXe siècle. Si l’on considère qu’est dirigeant celui dont l’action influence l’avenir de l’institution, celles-ci sont schématiquement les suivantes :
  • la nécessité d’envisager les problèmes et les situations de gestion dans un contexte international,
  • la connaissance des interférences de cultures différentes,
  • l’évolution démographique,
  • l’utilisation de nouvelles technologies, sans cesse renouvelées,
  • l’accoutumance à décider en univers incertain,
  • l’obtention d’un consensus social dans l’institution, publique ou privée,
  • l’aptitude à communiquer à l’intérieur comme à l’extérieur,
  • la recherche d’une stabilité personnelle pour être prêt à faire face aux chocs émotionnels,
  • l’importance d’être imaginatif et créatif.
Voilà quelques thèmes qui me paraissent toujours actuels. Le second domaine est l’importance de l’environnement et le rôle du support institutionnel de l’établissement – les deux sont liés – car un enseignement technique supérieur ne peut exister sans un ancrage solide ; aussi bien institutionnel que fonctionnel. A court terme, une Ecole de Management a besoin de développer des activités d’application de son enseignement : stages, visites, cas pratiques, conseil et assistance technique, formation continue, aide au recrutement de diplômés. A long terme, elle doit être une source de développement pour l’économie régionale par son aura, par son action en faveur de l’essor d’activités tertiaires, par les incidences commerciales dues à la présence de son personnel et de ses étudiants, par les conséquences de ses relations internationales sur son environnement. – Ces aspects fonctionnels sont d’autant plus efficaces pour les entreprises de la région d’accueil que celle-ci participe institutionnellement à sa gestion. Le cas de l’ESC Rouen est à ce titre exemplaire puisqu’elle a toujours bénéficié de la tutelle attentive de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Rouen. Aussi, voudrais-je exprimer ici ma reconnaissance à monsieur Philippe Le Prince, Directeur Général de la CCIR pendant toutes les années que je viens d’évoquer. Dans sa fonction, il a apporté une contribution particulièrement efficace à la promotion et à la gestion de l’ESC Rouen. Au cours des dernières décennies du XXe siècle ont été reconnues l’originalité et la qualité de l’enseignement supérieur consulaire, à côté de l’enseignement supérieur public et d’établissements d’enseignement supérieur privés. La reconnaissance universitaire a été concrétisée par le travail de la Commission d’évaluation des formations et diplômes de gestion auprès du Ministre de l’Education Nationale, chargée en particulier de l’attribution du grade de Master. L’ESC Rouen a su se placer dans la durée parmi les établissements les plus renommés en France. Si les causes de l’évolution de la formation et l’importance du soutien logistique à l’établissement paraissent toujours d’actualité, je terminerai en évoquant les changements intervenus dans le rôle du directeur. La notion de Groupe, rassemblant des formations supérieures de niveaux et de finalités différents, a modifié la nature du rôle de la direction. A côté des compétences nécessaires pour comprendre en particulier l’originalité du management d’enseignants – soucieux de réussir à motiver leur public lors de chacun de leur cours -, le directeur a vu son rôle de manager s’élargir progressivement. La diversité des accords à entretenir avec des universités étrangères, l’obtention d’accréditations diverses, la recherche de financements complémentaires à ceux des supports institutionnels, la nécessité de s’adapter au plus près à la demande des entreprises et à la mondialisation, expliquent cette évolution. Ceci étant, concernant la formation initiale, il m’apparaît que le directeur reste essentiellement celui qui gère un établissement dont l’objectif premier est de préparer ses étudiants à réussir leur vie, à partir de la réussite d’une carrière professionnelle. C’est pourquoi ma réponse à un journaliste, parue dans le numéro du 24 septembre 1985 de Paris-Normandie, restera toujours vraie pour un pédagogue : « …. ma plus grande satisfaction, c’est de constater la réussite des anciens élèves de l’Ecole ». Gérard MOREL Directeur Honoraire de l’ESC Rouen Le 11 mars 2006

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