Suite au discours de Nicolas Sarkozy du 17 décembre 2008, Yazid Sabeg, nommé commissaire à la diversité et à l’égalité des chances, a remis un rapport le 7 mai dernier intitulé PROGRAMME D’ACTION ET RECOMMANDATIONS POUR LA
DIVERSITÉ ET L’ÉGALITÉ DES CHANCES
. Ce rapport comporte 76 propositions d’actions pour l’égalité des chances. Nicolas Sarkozy devrait intervenir suite à ce rapport dans la deuxième quinzaine du mois de juin.

Le rapport complet est disponible sur le site :

http://premier-ministre.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_Commissariat_diversite.pdf

Vous trouverez ci-joint le passage du rapport qui nous concerne directement.

Partie I. Miser sur la jeunesse

(…)

3. RÉNOVER LE SERVICE DE L’ORIENTATION ET SIMPLIFIER LES FILIÈRES

La priorité de l’orientation est la réduction du nombre de jeunes qui quittent le
système éducatif sans diplôme ni qualification. L’orientation devrait également
contribuer à l’obtention des « bons diplômes », dans les secteurs porteurs en termes
de débouchés professionnels et faire éclore les vocations. C’est une triple exigence,
pour l’égalité des chances, pour l’efficience de notre système de formation et pour la
compétitivité de notre pays.

Aujourd’hui, la multiplicité des filières, l’insuffisance des passerelles et leur manque
de lisibilité nuisent à l’articulation entre l’enseignement secondaire et le supérieur.

De plus, l’orientation des élèves se détermine très tôt et se fonde en grande partie
sur l’échec dans les apprentissages où dominent les capacités déductives – l’hyper
sélection par les mathématiques – à défaut de pouvoir détecter des aptitudes plus
concrètes. L’orientation fonctionne en effet selon une mécanique d’exclusion [[« L’orientation scolaire », haut conseil de l’éducation, 2008 ; « L’orientation scolaire et professionnelle des
jeunes, propositions du conseil d’orientation pour l’emploi », janvier 2009]] et
relève d’une gestion des effectifs marquée par la hiérarchie des filières. Enfin,
l’orientation aujourd’hui ne permet pas ou peu de réversibilité.

La France gâche ainsi un nombre considérable de ses talents.

C’est pourquoi le Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances propose de
revoir en profondeur l’organisation de l’orientation des jeunes et l’évaluation des
filières, pour accroître le niveau global de formation et de qualification en France et
exploiter tous les potentiels de notre pays.

3.1 MIEUX ARTICULER LE LYCEE ET L’ENSEIGNEMENT SUPERIEUR POUR
REVELER LE PLUS GRAND NOMBRE DE TALENTS

La dernière réforme du lycée (1993) avait pour objectif de rééquilibrer les séries du
baccalauréat pour leur donner une égale dignité en termes d’attractivité et de
débouchés. Elle visait aussi à mettre un terme à la prééminence de la section C, qui
préemptait les filières de prestige dans l’enseignement supérieur sans prendre en
compte le principe de continuité pédagogique.

Cette réforme n’a pas eu les effets attendus. En effet, la filière S reste la voie royale
qui ouvre toutes les voies de l’enseignement supérieur, y compris celles destinées
aux bacheliers technologiques et littéraires. Les lycéens issus de la filière S
préemptent ainsi entre 20 et 25% des places en classes préparatoires littéraires et
une part croissante d’entre eux choisissent la filière économique des classes
préparatoires de gestion.

Cette situation dévalorise les autres filières et contribue à leur éviction. Le « taux de
fuite » observé entre filières entraîne un flux croissant de bacheliers technologiques
vers les universités à défaut de pouvoir intégrer les formations courtes telles que les
IUT, qui recrutent une part croissante de bacheliers S.

À l’évidence, l’orientation fonctionne moins selon un processus logique de continuité
pédagogique, que selon une logique de tri scolaire et social, qui favorise les initiés.

Le Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances propose donc d’ajuster
l’offre de formation aux besoins et non plus seulement à la demande étudiante. Des
règles plus strictes de conformité de la continuité pédagogique devraient être fixées,
pour préserver l’égalité des chances entre lycéens, quelle que soit la filière choisie.

Un système de régulation de l’accès aux différentes filières de l’enseignement
supérieur, dont les capacités devraient, le cas échéant, être ajustées, permettrait de
maîtriser le cursus d’origine des élèves avec le seul objectif de leur offrir de
meilleures perspectives professionnelles.

Action 7 : Confier à l’IGEN et à l’IGAENR une mission pour évaluer la pertinence
d’un système de régulation de l’accès à l’enseignement supérieur, pour orienter
prioritairement les élèves vers les filières où les conditions de succès sont les mieux
assurées, dans une logique de continuité pédagogique.

3.2 RENOVER LA VOIE TECHNOLOGIQUE INDUSTRIELLE

Créée en 1968, la voie technologique a incontestablement permis aux enfants des
classes ouvrières et agricoles d’accéder aux études supérieures, courtes et longues
et contribué à l’ascenseur social. Cette filière a formé des cadres intermédiaires et
supérieurs, qui ont permis l’expansion de la France durant les Trente Glorieuses.

Aujourd’hui, cette filière souffre d’un manque de lisibilité au lycée. Considérée
comme contraignante et dévalorisée, la filière STI fait souvent l’objet d’un choix par
défaut. Les effectifs de la voie technologique industrielle ont ainsi chuté de 47 000
élèves en 1996 en terminale technologique (privé et public) à 39 5000. Le nombre
d’admis au baccalauréat STI est de 34 197 en 2007 (avec seulement 9,3% de filles)
avec un taux de réussite de 81,1%.

L’offre de baccalauréats STI – pléthorique – se décompose en 6 spécialités [[génie mécanique, électronique, électrotechnique, génie des matériaux, génie civil, arts appliqués]] et
celle du génie mécanique en 6 options. La série STL (sciences et technologies de
laboratoire) compte quant à elle 3 spécialités [[physique de laboratoire et de procédés industriels, chimie de laboratoire et de procédés industriels, biochimiegénie
biologique]].

Les options « production mécanique », « électronique » et « électrotechnique »
présentent les flux les plus importants. Ce sont ces élèves qui alimentent les CPGE
TSI. Il existe à ce titre une CPGE spécifique pour les titulaires d’un baccalauréat
STL.

Alors que les filières STG et ST2S ont été récemment rénovées pour donner plus de
poids à l’enseignement général, la réforme de la filière STI se fait toujours attendre,
bien que tous les acteurs de la filière réclament une simplification. Et si depuis 1994,
les ministres de l’Éducation Nationale ont tour à tour été saisis réduire le nombre de
baccalauréats, la dernière réforme proposée en 2005 a été reportée sine die.

Dans le cadre de la future réforme du lycée, une filière attractive avec une
perspective de poursuite d’études supérieures jusqu’au niveau bac+5 devrait être
proposée. À la rentrée 2009, l’ensemble des programmes de technologie seront
rénovés. Ils prévoient d’aborder sur l’ensemble du collège les grands champs
technologiques en cohérence avec la société : transports, habitat et ouvrages,
confort et domotique, réalisation de projets collectifs. L’option DP[[option actuellement facultative, de 3 heures]] (découverte
professionnelle) développe des liens avec le monde de l’entreprise. Ce
rapprochement ouvre les élèves au monde professionnel par une découverte des
métiers, du milieu professionnel et de l’environnement économique et social. Ces
relations doivent être poursuivies.

La philosophie de cette réforme devrait aboutir à un baccalauréat plus généraliste,
qui comporterait des mathématiques et de la physique appliquées ainsi qu’un
enseignement technologique pour les métiers de l’ingénieur. Trois séries de
baccalauréats seraient envisagées : « techniques de l’ingénieur », « arts appliqués »
et « biotechnologies et social ». La première remplacerait l’actuelle série « sciences
et technologies industrielles » – la plus complexe (11 baccalauréats). La nouvelle
structure s’appuierait sur un enseignement technologique « transversal ».

Positionner la formation technologique sous un aspect plus conceptuel permettrait de
s’affranchir des plateaux techniques coûteux et d’implanter plus facilement ces
filières dans les lycées généraux. L’obstacle lié aux équipements serait ainsi levé.
Par ailleurs, les grands concepteurs de logiciels informatiques seraient sollicités pour
fournir des outils aux établissements scolaires.

Pour que cette filière trouve toute sa place, une offre de qualité et d’excellence
devrait être proposée aux futurs bacheliers. À ce titre, ces bacheliers seraient
prioritaires sur les bacheliers S dans les IUT. Aucune promotion en IUT ne devrait
accueillir plus de 20% d’élèves titulaires d’un BAC S.

Action 8 : Réorganiser l’enseignement de la technologie et des sciences
appliquées du collège à l’enseignement supérieur, simultanément à la simplification
et un renforcement de la filière dès la seconde. Les élèves titulaires d’un
baccalauréat technologique bénéficieraient d’une intégration prioritaire dans les IUT,
avec une logique de continuité pédagogique.
L’augmentation significative de CPGE réservées aux élèves de la filière STI
s’accompagnerait d’une réforme du concours des écoles d’ingénieurs (Cf. actions 13,
14 et 19).

3.3 PROFESSIONNALISER L’ORIENTATION ET RENDRE INDEPENDANTE
L’EVALUATION DES FILIERES

Un grand nombre d’élèves et de jeunes adultes ne bénéficient d’aucune aide pour le
choix de leur filière et de leur orientation. Cette situation a un coût humain et social :
un tiers des jeunes sortent du système scolaire sans formation (niveaux VI et V bis)
ou avec un niveau insuffisant pour s’y maintenir. Plus de la moitié des jeunes adultes
(18-29 ans) – soit 2,5 millions de personnes – sont plus ou moins éloignés d’un
emploi stable (CDD, intérim, temps partiel, etc.) et 430 000 sont exclus ou éloignés
du marché du travail[[Cf. étude du CREDOC n°218, février 2009]]. Cette situation est aggravée par plusieurs facteurs :

  • une évolution plus rapide des métiers et des compétences ;
  • une orientation des jeunes de plus en plus discriminante en fonction de
    l’environnement social et familial, qui se conjugue avec une forte
    dispersion de l’offre[[À titre d’exemple, on dénombrait 12 bac pro en 1986 et 73 en 2008.]] ;
  • des trajectoires sociales de plus en plus déterminées par ces choix (ou
    non-choix) initiaux et non-réversibles.

Le caractère encore malthusien et socialement discriminant de notre système
éducatif nous éloigne de l’objectif fixé par l’OCDE, mentionné dans la loi d’orientation
pour l’école de 2001[[Loi n°2001-380 du 23 avril 2005 d’orientation des programmes pour l’avenir de l’école]], de faire accéder 50% d’une classe d’âge à l’enseignement
supérieur.

Ainsi, notre système reste pénalisant à tous les niveaux : les classes préparatoires
restent endogamiques, les écoles d’ingénieurs connaissent une pénurie de candidats
et 20% d’une génération – soit 150 000 jeunes – sortent chaque année du système
éducatif sans diplôme ni qualification. Et près de 100 000 jeunes – soit 14% d’une
génération – sortent de l’enseignement supérieur sans diplôme. Au-delà des échecs liés à une mauvaise orientation, signalons qu’environ 10% des étudiants qui quittent
l’enseignement supérieur sans diplôme le feraient pour des raisons financières.

    • Des filières et des étapes éducatives sources d’exclusion

Historiquement, notre système éducatif[[dans lequel certains baccalauréats (STG, STS, STI) souffrent toujours d’une faible considération et
fonctionnent comme des choix par défaut.]] se caractérise par un clivage entre ses
filières plus ou moins prestigieuses (grandes écoles, universités etc.). Parallèlement,
des formations professionnelles moins reconnues[[avec pour principaux jalons les lois Astier (1919), de 1925 sur l’apprentissage, celles du 16 juillet 1971 et 23
juillet 1987 (qui élargit les DIP de cap jusqu’ ingénieur) qui organisent la formation professionnelle initiale et
l’intègrent au code de l’éducation.]] se sont constituées, qui relèvent
du second degré ou du supérieur et ont offert, au fil des réformes, différents statuts –
élève, apprenti, étudiant ou encore stagiaire.

Ce clivage a profondément marqué l’organisation du système éducatif secondaire et
supérieur et l’orientation. Il aboutit aujourd’hui à ce que les enfants privés de capital
social et singulièrement ceux issus de l’immigration, sont – aux deux tiers –
précocement orientés vers les filières techniques (STI et STG) et d’apprentissage.

En effet, l’orientation au collège et au lycée dépend étroitement du niveau initial des
élèves à l’école primaire. Cette orientation est le plus souvent subie et fondée sur la
non-réussite académique. Elle fonctionne ainsi comme un marqueur d’exclusion et
alimente la défiance ou le rejet des jeunes concernés[[Cf. « Perception du système éducatif et projets d’avenir des enfants d’immigrés », Education et formation
n°74.]].

La gouvernance globale de notre système ne pourra conserver sa légitimité en
l’absence :

  • d’un jeu d’opérateurs de l’éducation et de la formation plus clair – aux stades de la formation initiale, de l’orientation et de la formation professionnelle ;
  • de règles transparentes et de passerelles adaptées, pour enrayer le
    déterminisme des parcours et les choix par défaut ;
  • d’une convergence des diplômes, titres et certificats ;
  • d’une réelle possibilité de valoriser les acquis professionnels.
    • La faiblesse de la gouvernance

Les opérateurs institutionnels de la formation sont multiples et trop nombreux : l’Etat
(avec sept ministères certificateurs), les régions (en charge des plans de
développement de la formation professionnelle pour les jeunes comme pour les
adultes) et les branches ou les organisations interprofessionnelles (UIMM
notamment).

Cette multiplicité des acteurs se double d’une pluralité d’opérateurs, lycées, IUT,
universités, GRETA, CFA, CFAA, AFPA, ou encore centres de rééducation
professionnelle des armées qui nuit à toute réforme de fond[[Cf. rapport thématique de la Cour de comptes, septembre 2008]]. On observe aussi une
multiplicité de titres – 198 CAP, 35 BEP, 73 baccalauréats professionnels, 109 BTS,
1450 licences professionnelles, 1200 titres professionnels, etc.

Enfin, la complexité des modes d’intervention[[Ainsi, pour la seule formation initiale du second degré, les 4350 structures existantes se répartissent-elles
entre lycées (professionnels, LEGT ou polyvalents-64%), CFA et CFAA (28% dont la moitié sont des
établissements privés), maisons familiales rurales (8%).]] des différents opérateurs conduit à
une illisibilité complète du système et institue de fortes inégalités d’accès aux
dispositifs de formation selon les régions.

Le système pâtit également de la carence des dispositifs d’orientation, en dépit des
aménagements qui sont intervenus récemment [[Depuis la rentrée 2006, des modules de découverte professionnelle existent en classe de troisième de 4 et 6
heures.]]. L’orientation continue de
fonctionner au détriment des jeunes les moins favorisés et dépourvus en capital
social, qui intègrent massivement les filières professionnelles, sans être en mesure
de se projeter dans l’avenir.

    • Objectifs clés

L’objectif central de l’orientation devrait être d’aider et d’accompagner les jeunes, en
particulier les plus défavorisés, à définir un projet professionnel pertinent au regard de
leurs capacités, de leurs contraintes (familiales, financières, géographiques) et
cohérent avec les besoins du marché de l’emploi. Il s’agit aussi de leur offrir de vraies
perspectives de vie et de mobilité ascendante. Il est donc nécessaire de replacer
l’individu au coeur du système, et de concilier les objectifs d’équité, de réalisme et de
valorisation de l’ensemble des talents. La réalisation de tels objectifs devraient
respecter plusieurs principes :

  • l’indépendance des organismes ou responsables chargés de sa conduite[[les 600 centres d’information et d’orientation (CIO), les missions locales, Pôle emploi, mais aussi les 4500
    conseillers d’orientation professionnelle qui travaillent dans les CDI d’établissements]]
    notamment au regard des opérateurs des systèmes éducatifs et de la
    formation professionnelle ;
  • la mise en oeuvre systématique en classe de troisième de tests d’acquisition
    et d’habiletés dans les quartiers sensibles et les zones rurales, pour détecter
    les talents et aptitudes ;
  • la définition, avec l’élève, de parcours optimaux qui incluent systématiquement
    l’identification des passerelles existantes entre filières et les modules
    nécessaires à leur passage ;
  • l’implication directe du monde de l’entreprise.

Le second objectif est de réorganiser, sous une gouvernance unifiée, les dispositifs
de formation pour les rapprocher des besoins des entreprises. En effet, la
déconnexion entre les dispositifs de formation initiale et continue, y compris à des
niveaux élevés (I/II), et les besoins des entreprises, est un facteur d’inefficacité.

Une gouvernance unifiée qui associerait les entreprises permettrait d’anticiper les
besoins en termes de formation et de prévenir la sur-sélection fondée sur le diplôme
au moment du recrutement.

    • Actions

Les actions proposées sont de plusieurs ordres :

  • rapprocher encore le monde éducatif de celui de l’entreprise, avec dans un
    premier temps, une obligation de stage en entreprise pour les 4 500
    conseillers d’orientation-psychologues puis pour tous les enseignants ;
  • concomitamment, une instance nationale en charge du pilotage de
    l’orientation devrait être instituée. Elle associerait les représentants du monde
    professionnel (à l’un desquels la présidence échoirait) et ceux des familles et
    des usagers ;
  • instituer un véritable service de l’orientation par le regroupement des missions
    des services et organismes existants (ministères, ONISEP, délégué
    interministériel, régions, OPCA, FAF[[fonds d’assurance formation, qui finance la formation des chefs d’entreprises artisanales et de leurs conjoints
    non salariés]], etc.) et leur redéploiement territorial ;
  • confier à une instance indépendante le soin d’évaluer l’efficacité et la
    pertinence des filières existantes, de proposer leur réorganisation, ou leur
    suppression[[Ainsi, les filières de formation initiale ou continue dont les résultats seraient insuffisants, notamment au plan de
    l’intégration dans l’emploi, devraient être réduites, voire supprimées et leurs enseignants reconvertis.]] et d’organiser, par étapes, la convergence des titres et des
    diplômes en s’appuyant sur les outils existants (VAE, extension des
    référentiels, création des CPQI, développement de l’apprentissage dans
    l’enseignement supérieur, etc.).

Action 9 : Créer un GIP, qui regrouperait les opérateurs de l’orientation scolaire et
professionnelle. Ses modalités de constitution et de gouvernance devraient garantir
son indépendance à l’endroit de l’Education Nationale et des opérateurs de la
formation professionnelle.

Le GIP assurerait la promotion des dispositifs d’information unifié pour les
organismes d’orientation, mais aussi directement des usagers et des familles,
notamment avec la création d’une plateforme téléphonique associée à un numéro
dédié.

La mission de préfiguration de ce GIP serait confiée aux trois inspections générales
compétentes (IGAS, IGEN, IGENR) qui rendraient leur rapport avant l’été 2009. Sa
mise en oeuvre bénéficierait de la réallocation des moyens existants.

Action 10 : Créer une haute autorité en charge du rapprochement et du dialogue des
mondes éducatif et professionnel pour garantir une adaptation constante des filières
de formation aux besoins réels de l’économie et des entreprises. À cette fin, donner
à la haute autorité la capacité de contractualiser avec les acteurs de la formation et
les régions pour agir concrètement sur les réorganisations de filières et
d’établissements.

La préfiguration de cette institution – en rupture avec les modes d’organisation
existants – devrait être confiée à une commission de personnalités choisies en toute
transparence par les ministres chargés de l’éducation, de l’enseignement supérieur,
de l’emploi et de l’économie. La commission bénéficierait de la collaboration d’un
rapporteur général et rendrait ses travaux avant le dernier trimestre 2009.

La haute autorité devrait être créée par redéploiement de moyens et ses
engagements futurs être garantis par les économies liées aux réorganisations
conduites.

4. ACCROÎTRE ET DIVERSIFIER LE RECRUTEMENT DES
GRANDES ÉCOLES

Conçue à l’origine pour le recrutement méritocratique des cadres de la Nation, les
grandes écoles et les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE) sont
devenues le lieu de la reproduction sociale des élites. Les classes sociales favorisées
y restent en effet surreprésentées. À la rentrée 2005-2006, on recensait seulement
18% d’élèves boursiers en CPGE et 23% en 2006-2007, avec des disparités très
importantes entre les établissements. Et la part des enfants de catégories
socioprofessionnelles supérieures représente 85% des effectifs des quatre grandes
écoles les plus prestigieuses (Ecoles normales supérieures, Ecole polytechnique,
ENA et HEC).

Le système des grandes écoles reste malthusien. Les promotions d’entrée à l’École
polytechnique ont à peine doublé depuis les années 1930, alors que le nombre de
bacheliers annuels a été multiplié par 100 pendant la période.

Cette situation est doublement pénalisante. D’une part, un nombre considérable de
lycéens sont exclus de facto des filières d’excellence, parce qu’ils n’en connaissent
pas l’existence, s’autocensurent ou n’ont pas les moyens de s’engager dans des
filières longues, perçues comme risquées et onéreuses. D’autre part, la France se
prive de nombreux talents et potentiels, qui lui sont pourtant indispensables pour
assurer son avenir. À ce jour, le nombre d’élèves des grandes écoles et plus
précisément d’ingénieurs est en effet insuffisant pour permettre à la France de
développer ses ambitions industrielles.

Le Président de la République a décidé de porter à 25% (en 2009) puis à 30% (en
2010) le nombre d’élèves boursiers qui entrent en CPGE, dans chaque lycée. Le
nombre de boursiers en CPGE sera ainsi aligné sur le taux moyen de boursiers de
l’enseignement supérieur.

Pour la rentrée scolaire prochaine, les ministères de l’éducation nationale et de
l’enseignement supérieur se sont mobilisés pour atteindre ces objectifs, y compris
dans les lycées privés sous contrat avec l’Etat.

Pour la rentrée suivante, le Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances
propose une mesure phare et des actions complémentaires pour atteindre l’objectif
de 30%. À plus long terme, un effort particulier devra être déployé pour développer
les internats et gérer l’afflux attendu d’élèves de condition modeste.

Le Commissariat propose ainsi une série de mesures pour dépister les talents, lutter
contre l’autocensure des élèves et des équipes pédagogiques, modifier le système du
concours, accroître les effectifs des grandes écoles, renforcer l’accompagnement
individuel des élèves boursiers et les affecter prioritairement dans les internats.

4.1 25% D’ELEVES BOURSIERS ACCUEILLIS EN CPGE DES LA RENTREE 2009

Près de 40 000 étudiants (25 000 en section scientifique, 9 000 en section
commerciale et 1000 en section littéraire) intègrent chaque année une CPGE.
Aujourd’hui, le pourcentage de boursiers en CPGE est de 23%. Porter ce taux à 25%
correspond à un accroissement de 1 000 boursiers. Considérant le nombre de places
vacantes en CPGE scientifiques et dans les écoles d’ingénieurs[[D’après Claude Boichot, inspecteur général de l’Education Nationale, 4000 places restent vacantes en CPGE,
toutes filières confondues, et 1500 en écoles d’ingénieurs.]], cette
augmentation n’entraînera aucune éviction d’élèves non boursiers.

Action 11 : Demander, par voie d’instruction, aux recteurs de porter le taux de
boursiers à 25% dès la rentrée 2009, pour que les lycées qui comptent un faible taux
de boursiers élargissent leur vivier de recrutement. Cette condition serait intégrée
dans les critères d’évaluation des proviseurs de lycée.

Des contacts ont été établis avec les proviseurs des lycées privés sous contrat, qui
accueillent un nombre plus faible d’élèves en CPGE, mais dont le budget est assuré
à 60% par l’Etat.

Les inscriptions, qui permettent de connaître la part de boursiers et les acceptations
de dossiers seront suivies avec prévision par le ministère de l’enseignement
supérieur et de la recherche.

Le Président de la République a aussi demandé que, dans tous les lycées, les
boursiers de terminale les plus méritants aient accès de droit, à compter de la
rentrée 2009, à ces places réservées. Les élèves qui présentent le potentiel
nécessaire seront repérés et aiguillés par les enseignants et chefs d’établissements.

Action 12 : Lors de la procédure complémentaire d’affectation des élèves en CPGE,
si toutes les places ne sont pas pourvues, les services du rectorat proposeront un
entretien individuel à chaque élève boursier titulaire d’une mention au baccalauréat,
en vue d’une inscription en CPGE.

4.2 ACCUEILLIR 30% DE BOURSIERS EN CPGE EN 2010 GRACE AU
DEVELOPPEMENT DES FILIERES TECHNOLOGIQUES

    • Une mesure simple et équitable

Pour la rentrée 2010-2011, tous les lycées / CPGE devront compter 30% de boursiers.

Ce taux peut être atteint quasi mécaniquement dans les sections scientifiques par un
recrutement accru dans la filière TSI[[technologies et sciences industrielles]] (Cf. action 8). Cette filière se caractérise par
une part d’enfants d’ouvriers et d’employés de 20% supérieure à celle constatée
dans les CPGE scientifiques mais ne pourvoit que très faiblement à leurs effectifs
(770 élèves sur un total de 19 000 en première année).

Les élèves de cette filière devraient bénéficier, au cours des deux ou trois années de
CPGE, d’un enseignement renforcé en physique et d’un plus large enseignement
pratique dans le domaine des sciences de l’ingénieur, qui fassent appel à leurs
acquis de l’enseignement secondaire.

La filière technologique ne représente que 4% des étudiants inscrits en section
scientifique, contre 8% en section économique et commerciale.

L’ouverture d’une classe préparatoire TSI par établissement à la rentrée 2010 ou
encore un quadruplement des effectifs permettrait d’atteindre un taux d’élèves
boursiers de près de 4% supérieur en CPGE scientifique et donc de près de 3% pour
l’ensemble des CPGE.

Cette mesure pourrait résulter du simple redéploiement et ne nécessiterait que
l’ouverture des places au concours aux côtés des prépas PT, MPSI, MP et PC. Les
grandes écoles d’ingénieurs accueillent déjà des étudiants TSI, au même titre que
ceux des sections scientifiques. Le passage des candidats de classes préparatoires
technologiques en école d’ingénieurs se fera sans effet d’éviction, considérant le
nombre de places non pourvues.

Action 13 : Quadrupler les effectifs de la filière TSI pour atteindre un taux de 30%
d’élèves boursiers en 2010.

Action 14 : Ouvrir dès 2009 une classe préparatoire technologique au sein des 10
lycées les plus prestigieux qui disposent déjà de classes préparatoires et de 5 lycées
situés en zone d’éducation prioritaire, pour accroître la visibilité et l’image de cette
filière et créer un effet d’entraînement auprès des autres lycées pour une
généralisation en 2010.

    • Des actions complémentaires : informer systématiquement les lycéens et
      détecter les talents

Un grand nombre d’élèves, mais aussi d’enseignants, proviseurs et conseillers
d’orientation sont peu informés sur le système des classes préparatoires et
notamment technologiques, les grandes écoles, leurs débouchés ou encore les
différentes passerelles entre les filières.

D’autre part, on observe un phénomène d’autocensure de la part des élèves[[Cf. « Diversité sociale dans les classes préparatoires aux grandes écoles – mettre fin à une forme de délit
d’initié », rapport d’information au Sénat n°441 (2006-2007) du sénateur Yannick Bodin]] , qui
s’interdisent d’aspirer aux voies d’excellence, et n’y sont souvent pas encouragés par
le milieu familial. Un grand nombre de parents issus de milieux défavorisés ignorent
en effet les rouages du système éducatif et sont incapables de guider leurs enfants
dans leurs choix d’orientation ou de les soutenir aux plans pédagogique et financier.
De surcroît, les classes préparatoires sont perçues comme des études longues,
coûteuses et risquées.

Enfin, on déplore parfois le rôle faiblement prescripteur de certains enseignants,
conseillers pédagogiques et proviseurs, qui peuvent préférer garder leurs meilleurs
élèves pour leurs filières BTS ou estiment que les filières prépas « ne sont pas faites
pour eux ».

Le Commissariat propose ainsi une action volontariste pour la mise en place d’un
dispositif de détection systématique des talents, d’affecter prioritairement les lycéens
issus des filières technologiques pour saturer les places vacantes en CPGE et
d’informer systématiquement l’ensemble des élèves sur les filières d’excellence.

Action 15 : Instruire les chefs d’établissements situés dans les quartiers prioritaires
pour qu’ils intègrent dans leur projet d’établissement un repérage systématique des
élèves talentueux et des élèves les plus en difficulté. Ce travail pourrait être organisé
par groupes de besoins et ferait l’objet d’un rapport annuel détaillé.

Action 16 : Instruire les chefs d’établissement pour que chaque élève bénéficie d’un
bilan de compétences à chaque fin de cycle scolaire.

Action 17 : Organiser une journée nationale annuelle « Découverte – grandes écoles
– entreprises » sous l’égide du Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances,
avant les inscriptions en classes préparatoires (en janvier).
Les grandes écoles délégueraient des enseignants et des élèves ou anciens élèves
et des salariés d’entreprises dans les collèges et les lycées, sur l’ensemble du
territoire et prioritairement dans les zones urbaines sensibles.

Action 18 : Instituer des conventions partenariales de recrutement entre lycées
CPGE et établissements secondaires situés en ZEP.

    • Le « Pass’ prépa », une bonne initiative pour pérenniser les bourses et ouvrir
      droit à l’internat et au tutorat

Pour les familles modeste, le coût d’études longues (frais d’hébergement, de
transport, frais d’inscription aux concours, achat de livres…) est un frein à
l’inscription en classes préparatoires.

La volonté exprimée de poursuivre et d’amplifier l’effort d’ouverture sociale des
filières longues, avec un objectif de 30% de boursiers en classe préparatoire dès
2010 est manifeste, mais se heurte à deux obstacles majeurs :

  • la non pérennisation du paiement des bourses, qui retient certaines familles
    de s’engager, de crainte que la bourse ne soit pas renouvelée d’une année
    sur l’autre ;
  • le non fléchage des dépenses ; en effet, les bourses de l’Education Nationale
    sont directement payées aux familles, au risque de s’apparenter à un simple
    supplément de pouvoir d’achat.

On déplore aussi le nombre relativement faible de bourses au mérite (526),
contingentées par académie. En effet, celles-ci ne représentent que 3,7% des 14 185
bourses attribuées aux élèves de classes préparatoires, sur près de 75 000 élèves
au total.

Le Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances propose que le proviseur
informe chaque élève, lors de son inscription en CPGE, des possibilités – y compris
privées – d’accompagnement financier mais aussi pédagogique et logistique, pour
assurer les conditions de sa réussite.

À ce jour, seules les fondations privées offrent un système que l’on pourrait nommer
« Pass’ prépa », qui assure la pérennité de l’accompagnement financier et ouvre
droit à une place en internat et à un tutorat adapté[[fondations Télémaque, Euris ou Francis Bouygues, etc.]].

Ces fondations expérimentent ce dispositif avec succès depuis quelques années et
ont d’ores et déjà mobilisé de nombreux établissements scolaires et grandes
entreprises.

4.3 POUR UN CONCOURS INCLUSIF AUX GRANDES ECOLES

    • Le concours – tel qu’il est conçu – constitue un obstacle social à l’entrée dans
      les grandes écoles

Le concours fait figure de garant de la méritocratie. Certes, les épreuves
scientifiques des concours ne sont affectées par aucun biais et ne favorisent aucune
catégorie socioprofessionnelle. Cependant, la culture générale (français, philosophie,
etc.) et l’anglais constituent des matières socialement discriminantes, au-delà de ce
que justifie la seule détection des talents. Il importe ainsi de réfléchir à la façon dont
ces épreuves pourraient être réaménagées, pour assurer à chacun un haut niveau
minimal dans ces disciplines fondamentales, sans pour autant alimenter une course
à la performance qui engendre de facto une reproduction des élites et n’a plus
d’autre finalité qu’elle-même.

Aux Etats-Unis, la recherche de la diversité a permis aux grandes universités
américaines de démocratiser leur recrutement, tout en restant hautement sélectives.
Ainsi, dès les années 50, plusieurs prestigieuses universités de l’Ivy League,
Harvard, Yale et Princeton, ont eu le souci de mieux refléter la diversité de la nation
américaine et de rechercher « certaines qualités dont la société américaine [avait]
besoin ». Elles ont ainsi cessé de recruter exclusivement les candidats qui ont
obtenu les meilleurs scores aux SAT (équivalent du baccalauréat), pour constituer
des promotions de « jeunes gens représentant une variété d’intérêts, de talents et de
milieux ». Pour y parvenir, elles sont devenues pluri-sélectives et ont eu recours à de
nouveaux critères de sélection (« une créativité supérieure », une capacité à
« formuler des questions avec acuité et originalité », ou encore à « chercher des
réponses avec une audace non conventionnelle » etc.).

À titre d’exemple, le système des Olympiades académiques de mathématiques en
France, ouvertes aux étudiants chinois, confirme qu’il serait possible de sélectionner
des élèves sur leurs seules matières d’excellence, en contrepartie d’une formation
renforcée sur les autres matières, postérieurement à l’admission.

Ainsi, l’ESC Grenoble, avec le soutien de la région Rhône-Alpes, propose un
concours spécifique aux lycéens de terminale STG, ES et L issus de milieux
modestes et domiciliés dans la région. Plusieurs dossiers sont présélectionnés, en
partenariat avec FACE[[fondation agir contre l’exclusion]] et l’IUT de Grenoble. Après avoir passé des épreuves
écrites et orales dès la classe de terminale, les candidats retenus intègrent directement l’IUT. Au terme de cette seconde année d’IUT, s’ils obtiennent le DUT
sans avoir redoublé, ils intègreront sans concours la première année de l’ESC
Grenoble. Sept personnes ont bénéficié de ce dispositif en 2008.

Par ailleurs, un projet d’école à destination des Bac pro – majoritairement boursiers
et issus de familles modestes – actuellement piloté par le CNAM, vise à faire accéder
les meilleurs bacheliers issus de la filière professionnelle aux grandes écoles par la
voie de l’alternance. La création de cette école démontre qu’il est aussi possible
d’accéder à une grande école par une sélection sur les compétences et non sur les
seules connaissances académiques. Les établissements sélectionneront les
meilleurs étudiants et détecteront les meilleurs potentiels, qui passeront ensuite une
série de tests et d’entretiens. Les étudiants bénéficieront de deux années de mise à
niveau de leurs connaissances générales fondée sur une pédagogie inductive.

La future école accueillera dès 2009 une trentaine d’élèves. À cette fin, le CNAM a
établi des partenariats avec l’IUT et l’école supérieure de commerce de Troyes, l’EM
Lyon, l’INSA, Audencia et Centrale Nantes. L’ESCP-EAP et Centrale Paris devraient
prochainement intégrer le réseau des écoles participantes.

Action 19 : Dans le cadre d’une mission d’inspection, l’IGAENR évaluera la
dispersion des résultats par matière selon les catégories socioprofessionnelles. Elle
proposera d’ici la rentrée scolaire 2009 une rénovation des concours, à l’instar de la
fonction publique[[Cf. partie I-1-1.2]]. Différentes possibilités seront examinées, dont le rattrapage des
élèves sur leurs matières faibles au cours de leur cursus, qui conditionnera
l’obtention du diplôme.

4.4 ACCROITRE LES PLACES DISPONIBLES EN INTERNAT POUR LES ELEVES BOURSIERS

Actuellement, seuls 70% des lycées sont en mesure d’offrir un accueil en internat
(70,6% des établissements publics et 57,3% des lycées privés sous contrat). En
2006, 39 820 candidats à une CPGE ont souhaité une place en internat. Avec
seulement 13 560 places offertes aux étudiants de première année, seuls 34% des
candidats à une classe préparatoire avec internat ont pu voir leur demande satisfaite.

75 000 étudiants poursuivent leurs études en classe préparatoire, dont environ 30%
auraient besoin d’une place en internat, taux équivalent à celui des élèves boursiers,
ce qui représente un minimum de 22 500 places nécessaires. 7 500 places[[13 560 places existent déjà.]] en
internat feraient défaut pour accueillir l’ensemble des étudiants boursiers en classe
préparatoire.

Pour atteindre l’objectif de 30% de boursiers en CPGE, il conviendrait de créer,
additionnellement aux programmes déjà engagés[[À la suite du rapport de Jean Paul Anciaux (février 2008) sur le logement étudiant, le ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche a engagé un programme de construction de logements étudiants qui
ne répond qu’en partie aux besoins d’internat des CPGE.]] et sous réserve de confirmation,
7 500 places d’internat, prioritairement près des grands lycées franciliens mais aussi
de métropoles régionales comme Lyon ou Marseille.

Le coût d’un programme de développement de l’internat peut être estimé à 700
millions d’euros (pour la construction neuve). Les emprises foncières publiques
inutilisées pourraient être exploitées. Aussi, le développement de solutions ancillaires
(conventions avec les CROUS et développement de solutions de logement chez
l’habitant) devrait être envisagé, de même que le recours à des financements
innovants.

Action 20 : Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche nommerait
un directeur de projet pour établir et mettre en oeuvre un plan de développement de
l’internat pour chaque académie, en relation directe avec les recteurs ou les chefs
d’établissement, France Domaine et les régions. Ce directeur de projet proposerait
en décembre prochain un programme de développement de l’internat pour la période
2010 à 2012.

La construction d’internat au sein de l’établissement devrait être engagée à chaque
fois que le plan local d’urbanisme le permet. La responsabilité de cette construction
incombe aux régions, en charge des structures d’accueil des lycées. Lorsqu’une
construction extérieure est requise – notamment en zone dense comme Paris intramuros
– un partenariat étroit entre le maître d’ouvrage HLM et le gestionnaire
CROUS devrait permettre la construction rapide sur des terrains publics appartenant
majoritairement à RFF (réseau ferré de France) et à l’Etat (ministère de
l’enseignement supérieur et de la recherche et ministère de la Défense).

Le dispositif s’appuierait sur :

  • la mobilisation des terrains publics par utilisation des baux administratifs
    emphytéotiques (BEA) d’une durée de 45 ans, sur l’exemple des prêts HLM ;
  • l’implication des grands bailleurs publics, en particulier ceux qui dépendent de
    la Caisse des dépôts (SNI) et des sociétés HLM spécialisées dans les
    résidences ; l’ADOMA « New Deal » pourrait également intervenir pour la
    construction de foyers étudiants ;
  • le financement sur les ressources du logement locatif social (ministère du
    logement) et des crédits spécifiques du ministère de l’enseignement supérieur
    et de la recherche, dans le cadre du programme DAOL[[développement et amélioration de l’offre de logement]]. La solvabilité des étudiants boursiers serait assurée par l’allocation personnalisée au logement,
    qui couvre la plus grande partie du loyer.

Action 21 : Dans le cadre du Plan de relance, prévoir la construction de 7500 places
supplémentaires d’internat réservées aux boursiers scolarisés en classes
préparatoires aux grandes écoles et prioritairement à ceux qui résident dans les
quartiers défavorisés.

Action 22 : Affecter prioritairement aux internats une partie des terrains publics
disponibles recensés par la délégation interministérielle au logement à proximité des
lycées / CPGE.

Action 23 : Mobiliser le CROUS et les grands bailleurs publics et prévoir le
financement des internats dans le cadre des enveloppes budgétaires – abondées en
2009 – du ministère du logement et du ministère de l’enseignement supérieur et de
la recherche.

4.5 ACCROITRE LES FILIERES D’APPRENTISSAGE DANS LES ECOLES
D’INGENIEURS

L’apprentissage comme formation initiale constitue un vivier alternatif pour les écoles
et constitue aussi pour les élèves un mode de financement de leurs études.

D’autre part, l’apprentissage assure une adéquation entre la formation et le marché
du travail, comme l’atteste le taux d’emploi élevé des apprentis. Ainsi, en 2006, 80%
des titulaires d’un bac professionnel par apprentissage occupaient un emploi, contre
64% pour la voie scolaire. Pour les titulaires d’un CAP-BEP, les quotités respectives
étaient de 66% et 43%[[RERS, MEN-DEPP, 2007]].

Malgré ses avantages indéniables, l’apprentissage ne représente aujourd’hui que
28,7%[[RERS 2008]] de l’ensemble des formations du second degré et ne concerne que 8% des
236 écoles d’ingénieurs. 17 écoles forment 400 ingénieurs par an par apprentissage,
soit 1,5% des 26 000 ingénieurs diplômés chaque année.

Seules quatre écoles parmi les vingt premières proposent une filière d’apprentissage
(Supelec, ENST Bretagne, Centrale Lille, et Centrale Nantes), alors que 17 écoles de
management sur 35 soit 50% ont ouvert cette filière.

La position de la commission des titres d’ingénieurs (CTI), qui impose un
déroulement de l’apprentissage sur l’ensemble du cursus de formation est un
obstacle au développement de cette filière. En effet, l’école Centrale s’est vue à ce titre refuser l’ouverture d’une filière d’apprentissage.

Action 24 : Modifier les règles qui régissent la formation en apprentissage dans les
écoles d’ingénieurs et notamment l’obligation d’un déroulement de l’apprentissage
sur l’ensemble du cursus de formation – en concertation avec la CTI (commission
des titres d’ingénieurs) – pour y favoriser l’ouverture de sections par apprentissage.

L’apprentissage devrait également être développé dans les lycées et les IUT.

4.6 ACCROITRE DE 30% LES EFFECTIFS DES GRANDES ECOLES D’INGENIEURS

Seule parmi les pays de taille moyenne, l’industrie française a su développer et
réaliser des projets complexes dans tous les secteurs avancés (transports terrestres
et aéronautique, énergies nucléaire et pétrolière, ouvrages d’art…) et bénéficié d’un
grand rayonnement technologique. La France le doit à la qualité de ses ingénieurs et
de ses scientifiques, qu’elle a su former en nombre et en qualité, pour contribuer à la
constitution de grands champions industriels de taille mondiale. Cependant, dans la
bataille de la qualification et de l’intelligence qui s’engage et à laquelle participent de
nouveaux acteurs (Chine, Corée, Inde, Brésil), les positions de la France sont
menacées par plusieurs facteurs :

  • les départs en retraite massifs : les prévisions de la DARES attestent un
    déficit de 54 000 ingénieurs au cours des 10 prochaines années, soit 5 400
    ingénieurs par an, à comparer aux 18 000 ingénieurs formés chaque année
    dans les écoles d’ingénieur publiques dont les effectifs se sont accrus de 60%
    en 20 ans contre plus de 90% à l’université;
  • les délocalisations, qui jusqu’à présent concernaient essentiellement les
    activités manufacturières. Désormais, la rareté de la ressource technologique
    et scientifique en France, leur abondance dans les pays concurrents et les
    transferts de technologie dans le cadre de grands contrats risquent de
    provoquer de véritables délocalisations intellectuelles et la constitution de
    centres d’ingénierie off shore ;
  • la distanciation des PME ont été distancées par leurs concurrents
    internationaux en termes d’invention et de compétitivité, qui accaparent les
    ressources disponibles et obèrent la capacité des PME – dont la taille est déjà
    insuffisante – à se développer.

Le développement accéléré des grandes écoles d’ingénieurs est indispensable pour
fournir massivement le pays en ressources humaines hautement qualifiées. Dans
l’immédiat, l’économie aurait besoin de 30% d’ingénieurs supplémentaires diplômés
par an. Le coût additionnel récurrent en année pleine à un horizon de 6 ans est
estimé à 300 M€ (sur la base d’un coût de scolarité moyen fixé à 14 000 €), hors
coûts complémentaires de construction estimés au total à 750 M€.

Action 25 : Accroître de 30% en 3 ans la taille des promotions des grandes écoles
d’ingénieurs, dans le cadre d’un programme de développement de l’ingénierie. Celuici
rationaliserait et mutualiserait les moyens, pour mobiliser 750 M€
d’investissements et 300 M€ de dépenses annuelles récurrentes supplémentaires.

Action 26 : Décider la création d’un institut ou d’une école nationale supérieure du
génie nucléaire, qui répondrait aux besoins soutenus du nucléaire français.

4.7 CREER UNE AGENCE POUR CONCENTRER ET MUTUALISER LES MOYENS
CONSACRES AU DEVELOPPEMENT DES GRANDES ECOLES D’INGENIEURS

Le Commissariat à la diversité et à l’égalité des chances propose la création d’une
agence de moyens pour le développement des grandes écoles d’ingénieurs, avant
fin 2009, pour accompagner l’effort significatif de développement des grandes
écoles.

Sans remettre en question l’autonomie des établissements, cette agence à effectif
très limité regrouperait à coût nul les tutelles des ministères concernés – 10
ministères dont celui de l’enseignement supérieur et de la recherche et plus de 90
écoles.

Elle serait chargée prioritairement de répertorier les moyens pédagogiques et de
recherche et d’identifier les complémentarités entre établissements et avec les
universités. Elle proposerait ainsi des réallocations d’activités avec une
rationalisation et une mutualisation des moyens, dans le cadre de la constitution de
« clusters ».

À l’issue de cette phase préliminaire, l’agence conduirait l’effort de développement
en conditionnant l’augmentation des budgets à la création de nouvelles capacités
d’accueil, de CFA, par la mutualisation des moyens disponibles et procéderait
éventuellement à la réallocation d’activités d’enseignement ou de recherche.

Action 27 : Créer une agence interministérielle des grandes écoles d’ingénieurs
avant la fin de l’année 2009, consécutivement à une mission de préfiguration des
corps d’inspection concernés, qui aura été diligentée par le Premier ministre.

(…)