Les Classes préparatoires aux grandes écoles sur le long chemin de l’ouverture sociale et de l’égalité des chances : un atout pour la France, une reconnaissance de l’effort consacrée par l’ascension scolaire et sociale de tous les élèves méritants.


La sélection au mérite doit se comprendre ici avec le mérite comme étant défini par les performances développées par les individus, ce qui ne se confond pas strictement avec leurs résultats. Il faut en effet tenir compte de la distance sociale, culturelle, géographique et de l’éloignement familial au diplôme. Chacune de ces distances doit être réduite par l’École de la République. Il n’y a pas de fatalité si l’École de la République est justement le creuset de la Nation qui valorise les efforts et le mérite.




CPGE : effort, mérite et réussite


Drôle de pays que la France où on stigmatise toujours les voies de réussite au motif qu’elles porteraient un vice originel de reproduction alors qu’il faut au contraire garantir leur accès à tous par l’égalité des chances. Cette égalité réelle des chances doit être voulue, organisée, vérifiée, instituée. Elle relève non de la chance, mais de la justice, non du hasard, mais de la Politique et des Lois !


Chaque dénigrement des CPGE fragilise surtout les plus modestes et les plus fragiles des élèves qui n’ont que leur potentiel pour réussir.

Ces élèves ne craignent pas l’effort, mais ils craignent l’échec scolaire. Tout doit être fait par la puissance publique pour que cette crainte de l’échec se transforme en véritable ressort de progrès.


Les élèves (étymologiquement celles et ceux que l’on doit élever) sont le moteur principal de leur ascension scolaire, académique, professionnelle, sociale. Le parcours en CPGE met en avant l’effort individuel certes, mais mis au service du collectif. Il faut admirer les efforts que développent ces jeunes qui s’engagent dans des voies réputées difficiles d’accès, mais synonymes de réussite.



CPGE : réseau, équité, solidarité

Il se trouve que tous les établissements scolaires et supérieurs rassemblent des équipes pédagogiques dont l’engagement et la qualité pédagogique sont assez voisins dans quelque établissement où l’on se trouve, mais l’organisation en réseau national des CPGE exige que cette qualité soit uniformément distribuée dans toutes les classes pour garantir l’égalité de traitement de futurs candidats à des concours nationaux.

Les CPGE première année représentent un réseau national d’environ 1 200 classes distribuées dans environ 500 établissements, elles sont pilotées au niveau national et structurent un véritable campus délocalisé. Les structures, les maquettes horaires, les programmes sont à définition nationale : l’offre de la puissance publique est donc équitablement répartie. Les professeurs de CPGE sont recrutés aussi bien pour leurs aptitudes académiques (agrégation) que pour leurs compétences en matière de recherche scientifique (doctorat) et ils constituent un ensemble remarquable par son engagement, totalement dédié à la réussite des élèves qui leur sont confiés.


En CPGE comme dans toutes les structures post-baccalauréat, les cohortes d’élèves ne sont homogènes ni au niveau local ni au niveau national. Cette hétérogénéité est liée aux différences multiples qui caractérisent les origines diverses (sociale, géographique, culturelle, etc.), mais ne doivent pas être agrégées en inégalités et doivent être utilisées pour que chaque individu se sente considéré et que le système éducatif lui montre toutes les opportunités positives qu’il lui appartiendra de saisir ou de refuser. Ainsi en CPGE, et singulièrement depuis la mise en place de l’impulsion visant à recruter 30 % de boursiers depuis 2006, de la pédagogie progressive du premier semestre (2011) une attention positive est portée à tous les élèves, mais particulièrement à ceux qui osent s’engager dans cette voie alors que, par exemple, ils n’ont pas eu de mention au bac (30 %) et/ou qu’aucun de leurs parents n’ont un diplôme de niveau égal au bac (15 % en CPGE contre 65 % en sixième).


Chaque établissement ne peut pas présenter localement toutes les options, tous les parcours, mais il doit être en lien solidaire avec d’autres environnements et il doit pouvoir montrer à tous les élèves que la perspective de réussite au départ de leur établissement d’origine est possible, positive, multiple, que les formes d’excellence sont plurielles et également dignes : c’est toute la philosophie des « Cordées de la Réussite » auxquelles participent massivement les lycées à CPGE. 


Le maillon CPGE redresse les différences initiales et resserre les écarts entre les élèves en valorisant leur potentiel et leur ardeur au travail. Depuis 2004, le recrutement transparent des élèves est assuré en CPGE grâce au dispositif Admission Post Bac (800 formations en 2004, 11 000 en 2014). Ce sont les candidats en CPGE qui choisissent librement d’exprimer leurs vœux conformément à leur projet. Le niveau géographique de recrutement est le territoire national et cela permet une mobilité géographique.


Il est curieux d’entendre promouvoir la mobilité étudiante intra-européenne ou même mondiale et de constater que tout est fait pour tenter de réduire la mobilité inter-académique ou interrégionale lors de la transition post-bac. Les élèves des classes terminales doivent pouvoir élaborer librement leurs priorités quant à leur parcours post-bac : c’est ce que permet de vérifier le dispositif APB.

CPGE : réactivité, perspective, histoire, efficience


Les CPGE sont destinées à des étudiants qui acceptent de travailler pendant 60 semaines sur les deux années (36 + 24), environ 60 heures par semaine, dont 30 heures de cours et de travaux encadrés. La réforme, en cours, des programmes de CPGE et des modalités didactiques comme le séquençage en semestre, commencée début 2012, renforce le rôle des interrogations orales dans l’adaptation des CPGE aux nouveaux bacheliers et au nouveau public socialement plus divers. L’ouverture sociale en cours ne sera garantie que si ces heures d’accompagnement individualisé sont maintenues et assurées, partiellement au moins, par les professeurs de la classe.


Le passage de première en seconde année est quasi assuré si aucune rupture de contrat d’assiduité n’est constatée. D’après la DEPP (note d’information 08.16), dans une classe d’âge qui entre en CPGE, il y a 80 % d’intégration dans une grande école en CPGE scientifiques et 67 % d’intégration dans une grande école en CPGE économiques et commerciales.


Les taux d’intégration en sortie des CPGE lettres ont été considérablement ouverts par la mise en place dynamique de la Banque d’Épreuves Littéraires qui couvre des écoles de plus en plus nombreuses et variées.


Pour cette période des deux années standard, le coût de l’étudiant pour la Nation est voisin de 30 000 euros (2×15 000 euros), la scolarité standard est gratuite et le coût des inscriptions aux concours est nul si l’étudiant est boursier et même boursier échelon Zéro. Les Résidences pour la Réussite des étudiants boursiers qui peuvent désormais émarger aux Plans d’Investissements d’Avenir offrent des conditions d’hébergement et d’accompagnement qui prolongent les actions des « Cordées de la Réussite ».


En résumé, depuis 2009, ce sont environ 80 000 (84 689 en 2015) élèves de terminales qui sollicitent au moins une CPGE. Entre 42 000 et 45 000 (42 280 en 2015) d’entre eux reçoivent une proposition positive de CPGE conformément à leurs vœux alors que 45 000 (44 976 en 2015) places sont ouvertes. Ce taux de sélectivité globale est le plus faible observé dans les voies sélectives. Le dispositif APB n’est pas un système d’affectation et les candidats peuvent renoncer à une proposition positive pourtant sollicitée par eux ; c’est le cas chaque année de 7 500 à 8 500 candidats. Par ailleurs, des candidats à une CPGE auraient pu avoir une offre, mais par autocensure, ils ont mal hiérarchisé leurs vœux. Ils sont ainsi entre 700 et 900 chaque année. Finalement, entre 8 000 et 9 000 élèves de terminale ne se retrouveront pas en CPGE parce qu’ils en auront fait le choix alors qu’ils ont bien candidaté. Quand on analyse les origines des étudiants présents à la rentrée en CPGE, il ne faut pas faire comme si ces élèves n’existaient pas et considérer que leurs lycées d’origine n’adressent pas de candidatures en CPGE.


Un groupe de travail sur le coût de l’étudiant, piloté par la DEPP, a publié son rapport en 2012. Sur un graphe comparatif des dépenses de parcours types en 2009 (p.21), il apparaît que le coût d’une licence (en trois ans) est sensiblement équivalant (légèrement plus élevé) à celui d’un BTS (en deux ans) ou bien à celui de 2 années de CPGE … Cette affirmation repose sur des dépenses moyennes de formation qui, en 2010, sont de 10 180, 13 800, 15 240 euros respectivement pour un étudiant d’université, de BTS et de CPGE. Ces indicateurs moyens méritent une analyse critique puisqu’ils s’appuient sur les effectifs d’étudiants inscrits… et non sur ceux des étudiants assidus aux enseignements.


Ainsi, quand on connaît la volatilité des étudiants dans certaines formations universitaires, on peut raisonnablement considérer que le chiffre moyen avancé pour un étudiant universitaire est singulièrement plus élevé que celui affiché. Si l’on admet un taux de « fuite » des inscrits de l’ordre de 20 % et que l’on rapporte la masse des crédits engagés au nombre d’étudiants assidus en université, on passe de 10 180 euros à 10 180/0,8 = 12 725 euros. La comparaison devient alors plus réaliste. Ensuite, on peut aussi s’intéresser aux parcours réels d’une cohorte d’étudiants qui s’engagent soit en CPGE soit en Licence où seulement 27 % des inscrits obtiennent leur licence en trois ans (ONISEP, 2013).


En voie scientifique et en voie économique, les nombres de places offertes aux candidats aux concours sont égaux ou supérieurs aux nombres d’étudiants qui passent de première en seconde année. Il reste chaque année environ 10 % de places vacantes dans les écoles.


Depuis la Réforme de 1994, voici ce qui a été fait dans le secteur CPGE :

Recrutement transparent devenu ensuite APB, TIPE ou l’ouverture à la démarche de recherche scientifique, ECTS et sécurisation des parcours en lien avec les universités, ouverture aux boursiers qui va bien au-delà des commentaires spécieux sur le taux zéro ou le changement des assiettes d’octroi des bourses du supérieur, « Cordées de la Réussite » largement portées par les écoles. Tout ce qui a été entrepris l’a été dans l’intérêt général et l’intérêt des plus défavorisés des élèves.


Le caractère de boursier sur critère social dans le supérieur agrège en réalité des facteurs d’inégalités de nature très différentes (CEREQ).

Certains élèves cumulent des inégalités ou des distances à la situation moyenne nationale dans divers domaines : social ou économique, culturel, isolement géographique, handicap, éloignement des parents au diplôme …



1) Les CPGE doivent accueillir le même taux de boursiers que l’université soit de l’ordre de 35 %. C’est atteignable : si les 1 000 étudiants de C.S.P. défavorisées actuellement non boursiers demandaient leurs bourses d’enseignement supérieur, ce taux de 35 % serait atteint.


2) Les CPGE peuvent accueillir, à coût constant, au moins 4 000 étudiants de plus qui devraient justement bénéficier de cette formation très individualisée et qui eux aussi devraient être repérés en amont compte tenu de leur potentiel (cf. « Cordées de la Réussite »).


3) Les CPGE sont le seul lieu où un boursier qui y entre avec, en moyenne, 1,5 à 2 points de moins au Bac que ses camarades filles ou fils de cadres, en sort à égalité au moment des concours (étude CGE 2010), cela alors que l’enquête PISA constate un creusement de l’écart entre les performances des élèves (de 15 ans) de milieux aisés et celles des élèves de milieux modestes au collège.


4) Les moyens utilisés en CPGE sont les plus contrôlés et aucune heure de colle ou d’enseignement n’est rémunérée sans une validation administrative préalable.


5) Les étudiants sont assidus et les moyens alloués sont bien affectés à des services réels devant les étudiants inscrits et présents.


6) L’admission en CPGE vaut « Contrat de réussite », surtout depuis 2007 et la mise en place d’attestations descriptives des parcours et de créditations ECTS. 


7) Les CPGE ne rejettent plus d’étudiants en cours de scolarité sans une réorientation personnalisée.


8) Les CPGE sont le maillon le plus réactif aux changements issus du Lycée. Ainsi la semestrialisation renforcée à la rentrée 2013 a été mise en place en constatant les effets de la réforme du lycée.


9) Enfin, 12 des 13 prix Nobel de Physique et Chimie, souvent de milieu modeste, viennent des CPGE, tandis que tous les médaillés Fields sont passés par les CPGE… On remarque ici la pertinence de la critique récurrente de certains beaux esprits qui affirment, sans d’ailleurs le démontrer, que le passage en CPGE serait castrateur vis-à-vis de la créativité et de l’aptitude à la recherche ! 


En CPGE, on prend les élèves de terminale tels qu’ils sont et on les aide dans leurs efforts à maîtriser les connaissances et les compétences requises pour les concours, mais plus encore à leur assurer une formation durable qui les rend aptes à la variabilité du monde.


Les CPGE sont un outil unique de réduction des inégalités qui valorise le travail, les efforts des étudiants engagés dans une quête de réussite qui est la traduction exemplaire de la méritocratie républicaine.



Depuis 10 ans, le niveau des élèves de 15 ans baisserait en moyenne.


Depuis 10 ans, le niveau des concours n’a pas baissé, bien au contraire.



Depuis 10 ans, le nombre de boursiers en CPGE a doublé (passage de 15 % à 30 %).


Depuis 10 ans, les CPGE se sont adaptées et ouvertes avec une grande réactivité.



Depuis 10 ans, 400 000 élèves de CPGE scientifiques ont appréhendé une ou plusieurs démarches de recherche et d’innovation scientifique et technologique lors de leur TIPE.



Quand un élève de terminale a « osé » déposer un dossier de candidature pour une CPGE, il a, selon le type de lycée d’origine, entre 68 et 76 % de chances d’obtenir une réponse favorable (rapport Salima SAA), avec une dispersion heureusement faible.

La sélectivité des CPGE est donc loin d’être draconienne !

Par contre, selon le type d’établissement, on observe des cohortes de demandes de CPGE qui varient entre 9 et 25 % de leur effectif de terminales. Il faut donc cibler les efforts, ce qui est l’exacte philosophie des « Cordées de la Réussite ».


La solution qui s’impose, c’est qu’il faut donner sa chance au plus grand nombre, en réduisant les freins à l’ambition et en levant les inhibitions de toute forme, car il faut d’abord que les élèves soient candidats à toutes les voies de formation post-baccalauréat, sélectives et non sélectives, sans réduire l’excellence à une singularité : l’excellence caractérise des formes multiples d’intelligence et donc de profils d’élèves très différents.

Claude BOICHOT


Ancien conseiller chargé de la formation et de l’orientation
au cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche

À propos de Claude BOICHOT

Ancien conseiller chargé de la formation et de l’orientation au cabinet de la ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, Valérie Pécresse, de juillet 2009 à avril 2010.

IGEN (inspecteur général de l’Éducation nationale), et depuis 2002, chargé de mission auprès de tous les ministres de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur (Darcos, Fillon, Robien, Pécresse), sur les classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE).

Claude Boichot a notamment exercé les missions suivantes :

• 2013 Expert égalité des chances auprès des Mines Paritech

• 2012 Conseiller du Directeur Général de L’ESCP Europe

• 2011 Médiateur de l’Académie de Paris

• 2010 – 2012 Chargé d’une mission conjointe de la Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et du Ministre de l’Éducation Nationale sur l’Égalité des chances, l’ouverture sociale des CPGE, les Cordées de la réussite et les internats

• 2009 Chargé d’une mission par le Premier Ministre sur l’ouverture sociale des CPGE , les Cordées de la réussite et les internats.

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