L’ouverture sociale de l’enseignement supérieur est, vous le savez, le premier enjeu de société énoncé dans le document de stratégie générale de la Conférence des Grandes Écoles qui a été rendu public le 21 septembre 2004.

La réflexion part de l’accusation souvent portée au système des grandes écoles et des classes préparatoires, d’être élitiste, ce qui est vrai, et antidémocratique, ce qui ne l’est pas. S’il est exact que les enfants des cadres et professions intellectuelles supérieures représentent un pourcentage important des élèves des grandes écoles, ce phénomène est aussi présent, dans une moindre mesure, dans les troisièmes cycles universitaires. Par ailleurs, si on considère l’encadrement en général, on arrive dans les grandes écoles et les troisièmes cycles universitaires au même niveau de représentation (72%).

Il s’agit donc bien là d’un problème affectant l’ensemble de l’enseignement supérieur et non d’une faiblesse particulière du dispositif classes préparatoires grandes écoles. Des études récentes montrent que près de 80% des élèves de classes préparatoires étaient dans le quartile supérieur à l’évaluation d’entrée en 6ème. Ceci prouve d’une part que la sélection à l’entrée des classes préparatoires est bien fondée sur les capacités intellectuelles mais, d’autre part, que les déterminismes socioprofessionnels ont déjà joué à l’entrée au collège. On constate d’ailleurs l’influence de ces déterminismes tout au long du système d’enseignement et le problème est présent dès le cours préparatoire, l’avantage des enfants de milieux favorisés étant net pour la reconnaissance des lettres et la maîtrise des concepts liés au temps.

En outre, on peut noter que trois quarts des élèves des classes préparatoires « classiques », et donc généralement titulaires d’un bac S, ont au moins un parent occupant des fonctions de cadre. Inversement, deux tiers des élèves des classes préparatoires technologiques, et donc généralement titulaires d’un bac technologique, ont au moins un parent occupant des fonctions d’agriculteur, d’artisan, de commerçant, d’employé ou d’ouvrier. Il est donc indispensable que davantage de bacheliers technologiques puissent accéder aux grandes écoles. La Conférence des Grandes Écoles, en liaison avec le ministère de l’Éducation Nationale, a donc conçu l’opération « tremplin Sciences et Technologies ».
Cette action de communication en direction des élèves de seconde a pour objectif de compenser, dans la durée, les manques de prescription d’orientation et de modèles qui pénalisent particulièrement les bacheliers technologiques.

Les grandes écoles sont donc convaincues de la nécessité de favoriser l’épanouissement de tous les talents et parfaitement conscientes du rôle fondamental qu’elles doivent jouer pour faciliter l’accès des catégories socioprofessionnelles les plus modestes aux formations les plus prestigieuses. C’est dans ce cadre qu’elles se sont engagé publiquement le 17 janvier 2005, à généraliser le programme « Pourquoi pas moi ? » de l’ESSEC. Mettant leurs compétences et leurs moyens humains à disposition des lycées volontaires accueillant au moins 60% d’élèves issus des zones et réseaux d’éducation prioritaire, elles prennent depuis lors en charge des lycéens tous les mercredis après-midi afin de leur permettre d’une part de se projeter dans un avenir porteur d’espoirs et d’autre part de se muscler intellectuellement. 58 grandes écoles participent dors et déjà à cette opération ou vont participer dans les jours qui viennent.

Le président de la CGE ayant une certaine influence sur l’établissement qui vous accueille d’une part J et croyant beaucoup aux vertus de l’exemplarité des décideurs, INT Management et TELECOM INT ont donc signé le 8 juin une convention de partenariat avec le lycée Robert Doisneau de Corbeil. Bien entendu l’opération elle-même avait débuté dès la signature de la charte nationale et donc dans les premiers jours du mois de février.

L’objectif du partenariat est de soutenir les parcours d’élèves issus d’un territoire d’éducation prioritaire, en vue de leur réussite dans l’enseignement supérieur. Pour y parvenir, INT Management et TÉLÉCOM INT s’engagent à accompagner des élèves pendant trois ans, de la seconde à la terminale, via un cursus spécifique qui se déroule sur le campus et sous leur responsabilité tous les mercredis après-midi de l’année scolaire.

Il s’agit par une immersion accompagnée dans un «milieu porteur», de hausser pour partie les compétences mais surtout l’ambition de ces élèves. Le but est de les amener à envisager comme naturelle leur entrée dans l’enseignement supérieur et à répondre positivement à la question : Pourquoi pas moi ?

L’opération concernait l’an dernier six élèves de seconde choisis par le lycée de Corbeil en raison de leurs bonnes capacités scolaires et des contraintes socioculturelles de tous ordres qui freinent souvent les performances. En régime de croisière, entre 20 et 30 élèves pourraient être concernés pour le seul lycée de Corbeil et un travail de même nature pourrait débuter avec d’autres établissements d’enseignement secondaire. Un suivi plus souple est également envisagé durant les deux premières années de l’enseignement supérieur.

Il faut noter que l’opération participe d’un véritable travail sur la motivation et sur les représentations mentales collectives et n’est en aucun cas fondée sur une quelconque aide aux devoirs. Cependant, les six lycéens, avec lesquels Pierre Dumesnil du département Langues et Sciences Humaines et toute notre communauté d’enseignants-chercheurs et d’élèves ingénieurs et managers ont travaillé, ont progressé en moyenne générale d’un point entre le premier trimestre où ils n’étaient pas suivis et la fin de l’année scolaire… Cela prouve à l’évidence que l’approche est pertinente et qu’une fois la motivation trouvée et un projet d’avenir élaboré, les compétences et les capacités se révèlent !

Je voudrais pour conclure reprendre ici les derniers mots de mon discours lors de la signature de la charte nationale : Ne fermons plus les voies de l’excellence à ceux qui n’ont pas la chance d’évoluer dans un environnement familial économiquement fort ou culturellement porteur. N’excluons plus les talents qui tardent à s’épanouir en raison de blocages sociaux. Cessons de priver les élites qui aspirent à exercer des responsabilités de la diversité des origines, garante de richesse intellectuelle. »