Le Groupe Ouverture Sociale (GOS) de la Commission « amont » de la conférence des grandes écoles s’est réuni le 17 mars 2009 à l’école des Mines de Paris.
Cette rencontre du GOS avait pour thème principal « la place des CPGE dans les Cordées de la réussite » dont voici les principaux éléments de réflexion:
La place des CPGE dans les Cordées de la réussite
Eléments de réflexion
Plus de 120 établissements[[Source: dossier de presse remis lors de la conférence de presse de lancement des Cordées de la réussite du 18-11-2008, en pièce jointe]], soit un tiers des lycées ayant des CPGE sont impliqués dans les Cordées de la réussite (CDR), et donc considérés comme un maillon de la chaine de réussite dans l’enseignement supérieur pour les jeunes issus de milieux modestes et de territoires défavorisés. A cela une triple explication :- Les CPGE constituent une voie de réussite avérée par leur pluridisciplinarité, le suivi personnalisé des étudiants, des effectifs réduits et l’importance des moyens qui leur sont alloués. Selon les statistiques du MESR, 95 % de leurs étudiants obtiennent un diplôme universitaire à bac + 2 (et 93 % à bac plus trois ou plus).
- Mais les CPGE sont insuffisamment ouvertes socialement avec une sur représentation relative des enfants de milieux socialement et intellectuellement favorisés – CSP plus, enseignants.
- Se produit une double prise de conscience. D’une part les acteurs – publics, privés, enseignants, autres – sont persuadés qu’il faut augmenter la diversité sociale des CPGE. D’autre part, on sait qu’il y a des réserves, de bons élèves issus de milieux modestes et de territoires défavorisés qui ont par exemple leur bac avec mention et ne postulent même pas en CPGE, s’autocensurent, pensent que ce n’est pas pour eux[[Il y a environ 6400 élèves de PCS défavorisées qui obtiennent un bac général avec mention B et TB dont seulement 282 qui sont en CPGE ; pour les bacs technologiques, les chiffres sont de 2090 bacheliers avec mention dont 85 en CPGE. Il va de soi que les CPGE en sont pas et ne doivent surtout pas être le débouché unique de ces lycéens.]]
- En amont, vers les lycées et le secondaire : il s’agit d’informer, de convaincre.
- Dans les CPGE : il faut assurer la réussite des nouveaux étudiants – mais aussi, par ricochet des autres. Il s’agit d’encadrer, de rassurer, d’ouvrir des perspectives.
- En aval, vis-à-vis de l’enseignement supérieur, l’objectif est de faire connaître et d’ouvrir les choix de formation post-CPGE.
1. En amont : l’information vers de nouveaux publics, de nouvelles cibles.
Une CPGE incluse dans une « cordée » doit renforcer les actions de communication. Elles sont déjà une pratique courante, régulièrement menée par les établissements, par des équipes de professeurs. Elles doivent se diriger vers de nouvelles cibles, en privilégiant non seulement les lycées qui « fournissent » habituellement des candidats aux CPGE, mais aussi et surtout vers ceux qui n’en fournissent pas ou peu. Pour cela, il faut créer des liens directs, institutionnalisés avec ces autres lycées – visites croisées, réunions d’information, invitations à des évènements particuliers – venue d’un conférencier, spectacle…. Les élèves, dès la seconde, ne sont pas le seul public visé. Les chefs d’établissement ont un rôle important. Les enseignants ont un rôle majeur puisqu’ils sont des conseils, des prescripteurs essentiels, et cela est d’autant plus vrai que l’on a affaire à des élèves qui ignorent tout des CPGE et de l’enseignement supérieur. Ce travail d’information est mené conjointement par les équipes pédagogiques et de directions des lycées CPGE, celles des lycées cibles, avec les instances de l’éducation nationale, inspections académiques, rectorats. Il s’agit d’assurer un maillage territorial efficace, de faire vivre des réseaux cohérents. Il est ainsi important que dans ces démarches d’information, les intervenants de CPGE parlent globalement au nom des CPGE (tous établissements, toutes sections) et non pas seulement de leur propre établissement et leur propres options. L’information de ces lycéens prend plusieurs formes :- Des fiches présentant les différentes filières des CPGE – et pas seulement les filières présentes dans le lycée – de même que sont présentées aussi les autres voies de l’enseignement supérieur. Pour ce faire, il est utile de mutualiser des fiches, des supports de présentation power point, d’envisager de s’appuyer sur des sites existants (prépas.org) ou à créer. Il est question de disciplines, d’horaires, de programmes, d’acquis, de méthodes, de débouchés ….
- L’information porte aussi sur la vie en CPGE, en évitant les clichés. Oui il y a du travail en CPGE, mais ce travail est la condition nécessaire et impérative pour réussir des études supérieures dans quelque filière que ce soit. Non ce travail n’est pas surhumain ou hors de portée des lycéens. Les CPGE offrent un encadrement qui peut être pesant pour les uns, efficace, utile ou indispensable pour d’autres. Elles ne sont pas fermées (avec la représentation classique de l’épée de Damoclès de deux années perdues en cas d’échec aux concours de 2ème année), mais ouvertes – ECTS, partenariats – ce qui permet des réorientations.
- Elles offrent un maillage inégal, à améliorer encore mais relativement serré, proche. Il n’y a pas de « bonne prépa » dans l’absolu : toutes offrent un enseignement de qualité et le choix d’un établissement ne dépend pas des classements, mais de la personnalité de chaque étudiant : ses goûts, ses aptitudes, ses projets, le souhait qu’il a de rester au plus près de chez lui ou au contraire de prendre de la distance, des moyens financiers, du ressenti, de l’impression dégagée par tel ou tel lycée découvert à l’occasion de « portes ouvertes », de visites sur les lieux ou sur le site internet. Les équipes pédagogiques doivent présenter les prépas et les éléments de choix en fonction de l’intérêt du lycéen, pour qu’il réussisse au mieux ses études supérieures, et pas forcément dans leur lycée ou leur filière. Les différentes voies valorisent des intérêts et des qualités différentes. Le message doit être clair. Il y a des formes variées d’excellence et de réussite ; il n’y a pas que quelques lycées, quelques filières, quelques classes, quelques grandes écoles en dehors desquels toute réussite serait en réalité un échec, source de frustrations. Le discours du rien en dehors de « X, ESSEC, HEC, ENS » est mortifère. La nation a besoin de beaucoup plus de jeunes bien formés. Le succès à un concours à 20 ans ne doit pas constituer un passeport à vie pour les uns, un handicap perpétuel pour les autres : les personnalités changent, se révèlent, les talents sont divers et doivent être tous reconnus.
En CPGE : faire réussir
Il est du devoir collectif des CPGE de faire réussir tous leurs étudiants – les efforts financiers consentis par la collectivité l’imposent – et d’accorder une attention particulière mais non exclusive et ségrégative à ces nouveaux étudiants. Cela suppose des actions dans trois domaines – matériel, académique, relationnel – avec pour maître mot l’ouverture. Sur le plan matériel :- L’obstacle financier est essentiel pour les jeunes issus de milieux modestes et il faut sécuriser le parcours au-delà des 2 ou 3 ans de CPGE. Il faut améliorer les procédures d’obtention des bourses et les délais du 1er versement, à l’instar de ce qui a été fait en Rhône-Alpes, multiplier les bourses d’excellence et les faire connaître (rectorats, état, soutiens privés,…). La question du financement couvre de nombreux aspects : frais d’études, d’hébergement, de transports, de concours, d’ouverture culturelle, de vie étudiante….
- L’hébergement joue un rôle majeur. Il faut multiplier là aussi les internats dans les lycées, voire mettre en place des IPRES, passer des accords avec les CROUS, voire créer des nouveaux hébergements privés (récupération de bâtiments, par exemple militaires/gestion confiée à des entreprises de la restauration ?)
- Il faut prévoir des aides pour « l’achat » de matériels (micro, livres, matériel spécialisé pour certaines filières). On pourra penser à structurer des foires aux livres (revente d’occasion), à des actions de mécénat sur du matériel informatique d’occasion…
- La question du transport et de son financement sont essentiels, avant tout pour permettre des retours dans la famille importants pour l’équilibre, mais aussi pour faciliter l’accès aux sports et aux loisirs : cartes de réduction, abonnement (voir avec les collectivités territoriales, le CRIJ…).
- Une aide pour trouver des stages, nécessaires à la fois pour financer les études, pour connaître et se faire connaître, une aide pour affiner les choix (entreprises partenaires /fondations / collectivités territoriales / associations) est également essentielle. Il en va aussi de la construction d’un réseau, ou de l’enrichissement d’un CV, précieux pour la suite.
- Des aides pour les droits d’inscription (voire gratuité) aux concours, pour le paiement des frais universitaires sont indispensables.
- La mobilisation de ressources matérielles et humaines dans les lycées (cf. fonds de solidarité à créer en CA des lycées) pour les étudiants des CPGE. Possibilité de mobiliser les ressources médicales et sociales des lycées (assistantes sociales) mais peut-être aussi des universités (assistantes du CROUS assurant une permanence ou des actions ponctuelles en CPGE ?).
- la confiance en soi
- la connaissance plus sommaire du fonctionnement des CPGE
- la culture générale au sens large
- la maîtrise de l’anglais
- le niveau d’entrée : le lycée a pour objectif la réussite au baccalauréat mais aussi la préparation aux études supérieures. Dans certains lycées – rarement ceux des territoires défavorisés -, dans certaines classes, on insiste particulièrement sur la préparation aux CPGE, à leurs méthodes, à des points de programmes périphériques dans l’optique du bac, mais utiles en CPGE. On conçoit que les élèves qui n’ont pas été préparés dans ces classes puissent se sentir déstabilisés lorsqu’ils se retrouvent en CPGE avec des camarades davantage préparés.
- Améliorer l’organisation du travail : horaires, planning, temps de repos et de loisirs indispensable, apprendre à se connaître, dynamique de groupe…)
- Améliorer l’efficacité et les méthodes de travail : expression écrite, orale, prise de note rapide et efficace, lecture rapide,… rédaction de CV plus tard
- Apporter du soutien scolaire : reprise et approfondissement du cours, compléments (repères, débats de société ou historiographique ou scientifiques).
- Développer l’ouverture culturelle : rencontres, conférences, visites…
- Rattraper le niveau de maîtrise de l’anglais attendu
- des tuteurs étudiants (les anciens de la prépa, des étudiants de grandes écoles ou universités partenaires, surtout dans d’éventuelles filières « enseignement »).
- des enseignants à la retraite
- des enseignants volontaires du secondaire (dont ceux des lycées partenaires, déjà souvent utilement associés pour les « colles »)
- des associations : Cf Tremplin
- des universitaires : séances à la fac de mise au point scientifique, aide pour TIPE, « colles », conférences.
- des heures de tutorat assurées par les enseignants de la prépa elle-même, ce qui se pratique dans de nombreuses CPGE littéraires
- le recours à des aides extérieures que l’on peut imaginer, notamment pour l’anglais : labo de langues, organisation de séjours,…
- niveau local : établissement, ville ou agglomération, inspection d’académie et rectorat
- niveau national : mise en commun des ressources et des bonnes pratiques
- Sur le court terme, il s’agit de permettre à l’étudiant de bien vivre sa CPGE et d’y
réussir. Pour cela, il a besoin à la fois :
- d’écoute (professeurs / tuteurs : décodage de la CPGE),
- de conseils, d’aide en cas de difficultés plus grande (recours à un psychologue ou une assistante sociale si nécessaire)
- de favoriser le travail en groupe (cf. TIPE, cf. travaux de recherche là où pas de TIPE, soutenances collectives…)
- Pour la suite, l’aide individuelle vise à préparer l’avenir, tant immédiat (concours, choix d’écoles ou de filières universitaires) qu’à terme (filières, métiers, stages, connaissance du monde des entreprises,…).
- Celui du temps et des compétences : ni les étudiants en CPGE, ni les enseignants, ni les personnels administratifs des lycées et des CROUS n’ont beaucoup de temps, d’où l’idée de mutualisation sans doute à deux niveaux, national et rectoral. Cela suppose impérativement une claire identification des objectifs, des méthodes, des moyens, donc effectivement un label clairement établi. Cela implique aussi de définir des volumes horaires de soutien qui soient compatibles à la fois avec les obligations des étudiants des CPGE et avec les celles des tuteurs. La solution de regrouper les actions à des dates privilégiées (ce qui n’empêche pas un système de rendez vous régulier, de permanences hebdomadaires ou bi mensuelles selon les types et les besoins) – avant la rentrée, à la faveur de petites vacances, en fin d’année scolaire est sans doute une solution à fouiller et privilégier, en prenant soin de ne pas multiplier la charge d’étudiants qui ont aussi un grand besoin de repos et de détente. Il est clair aussi qu’il y a des différences à prendre en compte. La première année n’est pas comparable à la seconde – les besoins sont sans doute plus forts et une certaine souplesse reste possible dans les emplois du temps. Les conditions différent selon les filières, à la fois le type de travail, les débouchés, les manques…
- Celui du public visé. On ne peut mettre en difficulté les étudiants issus des milieux modestes et des territoires fragiles en leur réservant toutes les aides – au-delà des aides matérielles liées à leurs difficultés financières – et donner ainsi l’image d’une discrimination positive qui serait perçue ou qui aurait pour résultat de fausser les conditions de réussite. Dans les lycées à CPGE déjà engagés dans des opérations de soutien de ce type, les équipes remarquent que les étudiants suivis ne veulent pas être repérés, aspirant à être traités comme tous les autres et être considérés comme tels par leurs camarades ; les équipes craignent aussi, ce qui ne s’est pas encore manifesté, des contestations au moment des décisions d’orientation – passage de première à seconde année, autorisation de « cuber » ou de choisir telle ou telle filière : des étudiants qui ne bénéficient pas de mesures particulières de soutien pourraient se sentir lésés et contester les décisions du Conseil d’évaluation. A l’évidence, il faut faire en sorte que les mesures d’accompagnement personnel et de tutorat puissent être ouvertes au-delà des étudiants ciblés : par exemple prévoir des créneaux pour des séances de tutorat offertes à tous, en fonction des besoins. Les opérations culturelles, les séances d’informations sur les carrières… sont des occasions privilégiées de s’adresser à tous les étudiants. On peut imaginer de s’appuyer sur une structure particulière, celle d’Internats Pédagogiques de Réussite dans l’Enseignement Supérieur, ouverts sur critères sociaux et de mérite et offrant des services d’accompagnement regroupés, à disposition de tous les internes, quelle que soit leur filière et leur origine. Cela suppose de trouver des porteurs de projets – pour trouver des locaux, assurer le fonctionnement, les aides et tutorat…Il est évident que, comme toujours, il n’y a pas de solution unique, miracle, mais qu’il faut agir avec souplesse, pragmatisme et volontarisme en fonction des situations locales – besoins, ressources, engagements.