Mesdames et Messieurs,

Notre enseignement supérieur repose sur deux piliers :

l’excellence de la formation qu’il propose ;
et l’ouverture de cette excellence à l’ensemble des élèves.

Or, aujourd’hui, les enfants des milieux défavorisés sont moins nombreux à rejoindre les bancs de l’université ou des grandes écoles. C’est le signe, et l’une des causes, de la panne de l’ascenseur social dans notre pays.

Nous devons engager une action plus dynamique en direction des publics scolaires les moins favorisés, qui parfois n’envisagent même pas de poursuivre des études supérieures, pour des raisons économiques, mais aussi par inhibition sociale et culturelle.

Il est donc nécessaire de mettre en oeuvre une politique globale en faveur de ces publics scolaires les moins favorisés, dès l’enseignement secondaire, puis dans l’enseignement supérieur.

En particulier, depuis plusieurs années, nous constatons une diminution du pourcentage d’élèves issus de milieux modestes dans nos classes prépas et nos grandes écoles.

C’est un constat intolérable, car cela veut dire que l’école, au lieu d’être le moteur de la promotion sociale, ne fait que reproduire les inégalités d’une génération à l’autre.

Et c’est pourquoi le Président de la République a voulu une mesure très forte, dans le cadre de la politique d’égalité des chances : faire passer de 18% à 30% la part d’élèves boursiers dans les prépas.

Evidemment, il ne s’agit pas de forcer la main à quiconque pour choisir telle ou telle filière. En revanche, on constate que beaucoup de bacheliers n’osent pas, surtout quand ils sont issus de milieux modestes.

Nous devons aider les jeunes à faire le choix de l’excellence et à oser choisir des filières exigeantes s’ils en ont la volonté et la capacité.

Nous avons commencé à le faire l’an dernier. J’ai demandé aux recteurs qu’une démarche d’information et d’orientation soit initiée le plus en amont possible.

Puis, comme vous le savez, j’ai demandé, en juin 2006, à chaque recteur de contacter après les résultats du baccalauréat les élèves ayant obtenu une mention bien ou très bien pour faire un point sur leur orientation. Bien des jeunes bacheliers, notamment d’origine modeste, leur ont dit « les classes préparatoires, c’est trop dur, personne dans mon entourage n’a suivi cette formation, ce n’est pas pour moi, je n’en ai pas les « moyens » !

Aujourd’hui, je suis en mesure de vous présenter les résultats de cette mobilisation de l’ensemble du ministère de l’Education nationale : nous passons cette année de 18 à 22% de boursiers dans les classes préparatoires.

Et, je voudrais ajouter qu’une bonne part de ces nouveaux arrivants en prépas vient de lycées qui n’envoyaient jamais d’élèves en classes préparatoires !

1.525 bacheliers ayant obtenu une mention ont fait le choix de s’inscrire en classes préparatoires et, parmi eux, 25% sont boursiers.
Ces premiers résultats montrent qu’elles sont susceptibles de redevenir donc un vrai possible pour tous les élèves, et pas seulement pour ceux de certains lycées !

Nous sommes sur la bonne voie ! Nous avons franchi une première marche pour atteindre l’objectif fixé par le Président de la République et agir sur trois plans :

  1. faciliter l’accès aux classes préparatoires ;
  2. rendre plus lisibles les parcours ;
  3. garantir une sortie même en cas d’échec.

1) Faciliter l’accès d’abord

Cette année encore, dès le début de l’année 2007, et conformément aux orientations fixées par le Premier ministre suite au débat université – emploi, les élèves de terminale seront interrogés sur leur souhait d’orientation. Je souhaite que l’information la plus large possible leur soit donnée sur toutes les filières d’excellence de l’enseignement supérieur.

De même, comme l’an dernier, les bacheliers ayant obtenu une mention « Bien » ou « Très bien » seront contactés individuellement pour faire un point sur leur choix d’orientation et leur proposer, s’ils le souhaitent, une place en classe préparatoire.

Nous devons aller plus loin, prendre les élèves plus en amont.

Dans la continuité de ma démarche d’égalité des chances, j’ai souhaité que deux lycées prestigieux, le lycée Saint Louis à Paris[[Les lycées partenaires du lycée Saint Louis de Paris sont notamment le lycée Voillaume (Aulnay/Bois), le lycée Jacques Brel (la Courneuve), le lycée Robert Doisneau (Corbeil-Essonne) et le lycée Edmond Rostand (Saint-Ouen l’Aumône).]] et le lycée Kléber à Strasbourg[[Les lycées partenaires du lycée Kléber de Strasbourg sont le lycée Schwilgué (Sélestat), le lycée Marc Bloch (Bischheim), le lycée Haut-Barr (Savernes), le lycée Jean Monnet (Strasbourg), le lycée Robert Schumann (Hagueneau), le lycée Schuré (Barr) et le lycée Marcel Rudlof (Strasbourg).]], proposent des parcours de réussite à des lycéens qui, aujourd’hui, suivent leur scolarité en zone urbaine sensible.

Dans le cadre de leur mission de service public de l’Education, ce dispositif reposera sur quatre grandes mesures :

  1. Première mesure : un tutorat des lycéens de première et de terminale des lycées partenaires ;
  2. Deuxième mesure : un examen particulièrement attentif des dossiers de candidature présentés par les bacheliers issus de ces lycées. Ces candidatures seront examinées dans le cadre la procédure normale de sélection des élèves et sans passe-droit ou dispositif spécifique de recrutement ;
  3. Troisième mesure : l’attribution d’un logement en internat ou en résidence universitaire pour ces élèves s’ils sont admis en classes préparatoires ;
  4. Et enfin, quatrième mesure, un accompagnement et un soutien pédagogique des élèves admis pendant une durée de 2 ans.

Je suis convaincu que la réelle égalité des chances, c’est de donner plus à ceux qui en ont le plus besoin, mais non pas de leur créer des voies de contournement parallèle.

De même, et parce que le passage dans l’enseignement supérieur est une véritable transition qui mérite d’être accompagnée, j’ai demandé au CNED de proposer une offre de formation spécifique pour accompagner ce passage.

2) Après avoir facilité l’accès aux classes préparatoires, rendre plus lisibles les parcours

Je pense notamment aux classes préparatoires littéraires.

Jusqu’à maintenant, un jeune bachelier devait dès son inscription, c’est-à-dire avant même l’obtention de son baccalauréat, décider s’il souhaitait préparer les concours de l’ENS Ulm dans une hypokhâgne dite « classique » ou de l’ENS Lyon Sciences Humaines dans une hypokhâgne dite « moderne ».

Ce choix, il devait le faire alors même qu’il ne disposait, bien souvent, d’aucun élément objectif et personnel pour faire son choix, choix qui, compte tenu des spécificités des concours de chaque ENS, était la plupart du temps pratiquement irréversible.

A la demande des directions des deux Ecoles Normales nous mettons en place, dès la rentrée prochaine, une première année commune pour les deux voies.

En clair, cela signifie qu’un élève qui a choisi de faire une classe préparatoire littéraire parce qu’il aime les sciences humaines sociales choisira l’Ecole dont il veut préparer le concours un an plus tard, un an qu’il aura pu mettre à profit pour mûrir son choix, conseillé par ses enseignants, après avoir défini son projet personnel et vérifié ses aptitudes pour l’une ou l’autre voie.

Ce n’est pas tout. Toujours dans le but de simplifier le parcours des élèves littéraires, les directions des deux écoles proposeront une banque d’épreuves communes aux deux concours des Ecoles normales en langues vivantes, philosophie et histoire.

A l’issue d’une longue concertation sous l’égide de l’inspection générale, elles se sont en effet mises d’accord sur des modalités d’épreuves identiques qui respectent les spécificités de chaque école.

Avec François Goulard, nous tenons à saluer le sens des responsabilités des négociateurs de cet accord historique et, tout particulièrement, de Claude Boichot qui, au nom de l’inspection générale de l’Education nationale, a su faire prendre cette alchimie complexe.

3) Troisième volet de cette démarche globale, garantir que les années de formations exigeantes et difficiles ne seront jamais des années perdues.

La formation reçue par les élèves doit leur permettre de poursuivre des études en France ou en Europe dans une école mais aussi à l’université.
A l’issue d’une longue concertation, la disposition suivante a été mise au point : tout élève de classe préparatoire se verra délivrer une attestation descriptive de parcours établie sur la base d’une grille nationale. Elle précisera les connaissances et aptitudes acquises par l’élève au cours de sa formation ainsi qu’une valeur en crédits européens.

Pour la poursuite d’études à l’université, des commissions regroupant des enseignants chercheurs et des enseignants de classes préparatoires préciseront les modalités de validation des crédits proposés par l’attestation.

En résumé, ce texte qu’avec François Goulard nous soumettrons à la prochaine réunion du CNESER, fait entrer les classes préparatoires dans le processus de Bologne d’harmonisation européenne des formations supérieures.

Nous disposons avec les classes préparatoires aux grandes écoles d’un dispositif spécifique au sein de notre enseignement supérieur. Il doit trouver toute sa place aux côtés des universités et de toutes les autres filières de l’enseignement supérieur.

Je me refuse, en effet, à opposer tel dispositif à tel autre. Je veux être aussi exigeant vis-à-vis des uns et des autres en sachant préserver leurs spécificités qui font leurs forces.

Cette place, les classes préparatoires ne la trouveront qu’à deux conditions essentielles :

  1. qu’elles restent un dispositif d’excellence scientifique permettant à un jeune bachelier de donner le meilleur de lui-même ;
  2. qu’elles offrent cette opportunité à tous les jeunes de notre pays qui le souhaitent sans autre critère que sa capacité et sa volonté.

C’est à cette double condition que ce dispositif qui a montré ses forces et ses faiblesses gardera toute sa légitimité dans le coeur des Français.
Je vous remercie.

Hôtel de Rochechouart 110 rue de Grenelle 75357 Paris 07 SP